MODALITÉS, logique
Les modalités non aléthiques
L'idée d'étendre le traitement logique des modalités aléthiques à d'autres notions modales avait déjà été formulée par les médiévaux, mais elle n'a été exploitée systématiquement qu'à la suite des progrès de la logique modale contemporaine (en particulier par G. E. Von Wright dans An Essay in Modal Logic, North Holland, Amsterdam, 1951). La logique déontique (ou « logique des normes ») utilise le parallèle entre la logique d'opérateurs tels que « il est obligatoire », « il est permis » et « il est défendu », et celle du nécessaire, du possible et de l'impossible. Des principes typiques de la logique modale comme « tout ce qui est nécessaire est possible » ont leur répondant avec « tout ce qui est obligatoire est permis », bien que la transposition ne soit pas correcte de « tout ce qui est est possible » à « tout ce qui est fait est permissible ». Mais, si nous combinons les concepts déontiques aux concepts modaux, en admettant qu'un acte n'est obligatoire que s'il est possible et qu'un acte n'est possible que s'il est obligatoire, on peut réduire les lois de la logique déontique à celles de la logique modale ordinaire et lui donner (au prix de diverses complications) une sémantique comparable (quelque chose est permis s'il est permis dans un monde possible « déontique », et obligatoire s'il est permis dans tous les mondes déontiquement possibles).
Le problème demeure, cependant, de réconcilier nos intuitions morales usuelles avec ce que semblent asserter les divers systèmes de logique déontique. En premier lieu, la logique déontique n'est pas, à proprement parler, une logique des énoncés impératifs (du type « fais ceci »), car ceux-ci semblent n'être ni vrais ni faux, mais elle peut être conçue comme décrivant, in abstracto, des systèmes de normes exprimables à l'indicatif (c'est-à-dire d'énoncés normatifs) et leur cohérence. En second lieu, la logique déontique usuelle engendre des paradoxes, comme celui de Ross : elle valide des énoncés comme
qui autoriserait par exemple à dire que s'il est permis de fumer, alors il est permis de fumer ou de tuer, ce qui oblige à reformuler la notion de permission pour éviter ces conséquences indésirables, et à affiner l'analyse de l'action.Des transpositions similaires ont été proposées pour la logique des concepts de connaissance et de croyance, et ont donné lieu à des logiques épistémiques (Hintikka, 1962). Les expressions « X sait que p » et « X croit que p », que les philosophes appellent des concepts d'« attitudes propositionnelles », peuvent être traitées comme des opérateurs modaux et obéissent, par exemple, à des lois comme : XK p ↦ p (si X sait que p, alors p est vrai) et XK p ↦ XB p (si X sait que p, alors X croit que p).
Mais, ici aussi, la question se pose de savoir en quoi ces logiques peuvent systématiser nos concepts épistémiques usuels. Tous les philosophes ne s'accordent pas sur le fait que les verbes d'attitudes propositionnelles expriment une relation entre un sujet et une proposition, ni sur la nature des termes de cette relation. En particulier, parce que ces phrases sont intensionnelles, la substitution de termes coréférentiels n'est pas valide dans ces contextes (de X croit que x = a, on ne peut inférer, si a = b, que X croit que x = b), et, pour la même raison, on ne peut passer d'une expression de dicto telle que « X croit que a est F » à une expression de re « X croit de a qu'il est F ». La difficulté, parallèle à celle de la logique modale quantifiée, est celle de l'identification des individus dans les mondes « épistémiquement » possibles. Un autre problème est que la logique épistémique, en validant des principes comme « si X sait que [...]
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Écrit par
- Pascal ENGEL : maître de conférences de philosophie, université de Grenoble-II et C.N.R.S
Classification
Média
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