MODE DE VIE
Si la notion de « mode de vie » a occupé une place centrale dans les débats de la sociologie urbaine des années 1970-1980, la notion de « genre de vie », passée de mode, est surtout utilisée en géographie humaine. Avec les notions de niveau de vie, de style de vie, de culture, de vie quotidienne ou d'identité, elles constituent un champ sémantique flou, réservoir de mots clés dans lequel puisent le langage vernaculaire du monde des médias ou des bureaux d'études (de marketing) et le vocabulaire académique des sociologues. Pour fixer provisoirement les idées, on peut définir un mode de vie comme un ensemble de pratiques et/ou de représentations propres à un groupe social. Peut-on considérer que le groupe social (c'est-à-dire les propriétés qui permettent de le délimiter) détermine le mode vie (c'est-à-dire les propriétés retenues pour le définir) ou, à l'inverse, que c'est l'identification de tel mode vie qui permet de définir le groupe correspondant ? Schématiquement, on peut distribuer les recherches en fonction de la réponse proposée.
De la morphologie au mode de vie
Focalisant l'attention sur l'influence des conditions géographiques et climatiques, d'une part, et sur les facteurs technologiques (outils et usages), d'autre part, la géographie humaine définit le genre de vie comme un ensemble d'activités habituelles qui permettent à un groupe humain d'assurer son existence en utilisant les ressources d'un milieu donné. Dans une perspective homologue, l'approche écologique des fondateurs de l'école de Chicago (Robert Park, Ernest Burgess, Louis Wirth...) fait de la ville le principe d'un mode de vie urbain caractérisé par l'utilitarisme et l'individualisme, la spécialisation professionnelle et la mobilité généralisée, la rationalité, la superficialité des relations et l'anonymat, la segmentation des rôles et des attitudes, etc.
Ancrant les classes sociales dans la production, Maurice Halbwachs considère, dans La Classe ouvrière et les niveaux de vie (1912), que « chacune de ces catégories détermine la conduite des membres qu'elle comprend, [qu'] elle leur impose des motifs d'action bien définis, [qu'] elle leur imprime sa marque [...] avec une telle force que les hommes faisant partie de classes séparées, bien qu'ils vivent dans un même milieu et à la même époque, nous donnent l'impression qu'ils appartiennent à des espèces différentes ». Le raisonnement est schématiquement le suivant : la morphologie sociale, ou forme matérielle des sociétés, dont l'économie est un sous-ensemble, permet de délimiter des conditions sociales, qui définissent des mobiles psychologiques, qui déterminent eux-mêmes des conduites.
Dans la même perspective, on peut également étudier les rapports complexes entre niveaux de revenus et pratiques de consommation, comme le fait Nicolas Herpin dans La Sociologie de la consommation (1988). Dans le cadre de la théorie marxiste qui définit les classes sociales par la position qu'elles occupent dans les rapports de production, l'appartenance de classe (c'est-à-dire la place dans le procès de production) détermine les formes concrètes d'existence (pratiques et représentations dans tous les domaines de la vie sociale parfois définies comme « leur mode de reproduction »). Mais comment passe-t-on des structures aux pratiques et aux représentations (l'idéologie) ? Comment rendre compte des changements observables dans les modes de vie et de la permanence des rapports de production ? de la diversité manifeste des modes de vie au sein d'une même classe sociale ? de pratiques ou de représentations contraires aux intérêts de classe (par exemple, le cas de l'ouvrier conservateur) ? Comment les rapports entre les classes se traduisent-ils dans les[...]
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Écrit par
- Gérard MAUGER : directeur de recherche émérite au CNRS
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