MODE Le phénomène et son évolution
Il est communément admis que le costume ou la coutume – deux termes d'acception proche que l'on a longtemps confondus – deviennent « objets de la mode » en France, au milieu du xive siècle, c'est-à-dire qu'ils se dotent d'une grammaire spécifique ordonnée selon un temps, désormais cyclique, fait de périodes plus ou moins longues (de cinq à dix ans environ). Le genre masculin se distingue du genre féminin, le premier adoptant un costume court et ajusté, le second, la robe longue et quelquefois décolletée. L'autre déclinaison grammaticale récurrente de la mode est celle du nombre, qui sépare le singulier du pluriel, autrement dit, sous l'Ancien Régime, le roi d'avec ses sujets, pour reprendre la définition du dictionnaire de Furetière : « Mode se dit aussi plus particulièrement des manières de s'habiller suivant l'usage reçu à la cour » – ou dès le xixe siècle, l'arbitre de la mode d'avec ses suiveurs. Dans le monde occidental, cette grammaire appliquée à la mode subit des transformations dont quelques repères fondamentaux, observés en France, seront dégagés dans cet article. Ainsi, les fondements spatio-temporels de la mode subissent-ils, de l'Ancien Régime au xxe siècle, de notables restructurations. Depuis les années 1960, la mode unisexe a bouleversé nombre d'images traditionnelles du corps, lequel a subi tour à tour des moments de contraintes rigides puis de totale liberté en vertu de canons érotico-esthétiques opposés. Il faut aussi évoquer la démocratisation de la mode qui touche désormais un grand nombre d'adeptes. Le jeans reste la référence emblématique de cette démocratisation qui est également liée aux développements techniques de la fabrication et de la commercialisation. Les créateurs de la mode, les couturiers considèrent désormais que la rue est le véritable creuset de la création, la source de leur inspiration. Riche de significations symboliques, la mode est devenue objet de musée depuis le début du xxe siècle, et des historiens l'étudient au sein d'une discipline qui commence à être reconnue comme telle.
L'économie de la mode : production, distribution et consommation
Les corporations
Les premiers statuts des communautés de métiers parisiens, recueillis entre 1261 et 1265, sont consignés dans le livre d'Étienne Boileau, garde de la prévôté de Paris. Alfred Franklin, dans une étude intitulée Les Corporations ouvrières de Paris du XIIe au XVIIIe siècle. Histoire, statuts, armoiries (Firmin-Didot, Paris, 1884), en retrace l'historique. Jusqu'à l'abolition de ces corporations pendant la Révolution (1791), le client procède donc à l'achat des matériaux chez le drapier et le mercier avant de les confier au tailleur, dont la corporation ne s'organise qu'assez tardivement, au début du xve siècle. Les fripiers forment un corps de métier influent, étant au cœur de la consommation vestimentaire. Installés à Paris dans la Halle au vieux linge, dans le quartier du Temple, ils rachètent aux élégants leurs vêtements et reprennent aux tailleurs leurs laissés-pour-compte. Le fripier, qui habille la moitié de la population, revend donc des vêtements usagés.
Ne travaillant que sur commande, les tailleurs détiennent le privilège d'habiller les hommes et les femmes jusqu'en 1675, date à laquelle un édit de Louis XIV accorde aux couturières le droit d'habiller les femmes. Mais la fabrication de la robe ou du vêtement de dessus et du corset reste le monopole du tailleur. À la fin du xviiie siècle, mille sept cents couturières sont recensées à Paris ; elles ont quatre spécialités : les vêtements de femmes, les vêtements d'enfants, le linge et les garnitures.
Les rapports que ces corporations entretiennent avec la mode influent sur leur existence même ou sur leur[...]
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Écrit par
- Valérie GUILLAUME : conservateur en chef du patrimoine au département design du Musée national d'art moderne-Centre Georges-Pompidou
Classification
Médias
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