MODE, sociologie
La mode dans la société industrielle
Ces formes de sociabilité, ces traits de comportement ou de signification que nous révèlent l'histoire, l'anthropologie ou la psychanalyse réapparaissent dans les sociétés modernes, mais cette fois dotés d'une organisation et d'un rythme caractéristiques. Des groupes sociaux d'une extension extrêmement variable s'emparent d'une forme déterminée, en font une norme qu'ils appliquent scrupuleusement, et parfois fiévreusement, durant quelques mois ou années, puis l'abandonnent au profit d'une autre. Tel est, en particulier, le phénomène de la mode dans la société industrielle.
De la coutume à l'engouement
Pour tout ce qui concerne le port du vêtement et, en général, les modalités de symbolisation du statut social, le développement de la société industrielle s'est accompagné d'une progressive « libéralisation » ; il n'existe plus guère en ce domaine de lois ni de normes de caractère obligatoire, en dehors de celles qui restreignent à des catégories déterminées d'individus le port des uniformes ou de certains vêtements de fonction. Le conformisme des comportements à l'égard de la mode vestimentaire comme à l'égard des modes en général n'en est que plus frappant. On pourrait donc être tenté de considérer la mode comme une coutume, analogue à toutes celles qui régissent la tenue, les manières, le langage, le comportement quotidien. Elle pourrait se rattacher aux institutions cérémonielles (H. Spencer), à l'étiquette, voire à la religion.
Mais alors que les institutions proprement dites sont fondamentalement régies par la tradition, la mode paraît au contraire privilégier systématiquement ce qui est nouveau ; elle témoigne d'une instabilité, d'une imprévisibilité qui l'apparentent plutôt aux phénomènes de panique ou surtout d'engouement. C'est ainsi que la mode a été étudiée comme un cas particulier du comportement collectif (H. Blumer, N. Smelser). Parfois, elle en revêt l'aspect subversif, en particulier sous les régimes autoritaires, où les modes présentent souvent un caractère frondeur, voire oppositionnel. Enfin chaque mode apparaît comme un processus se déroulant assez rapidement et connaissant un certain nombre de stades successifs (R. Meyersohn et E. Katz).
Par rapport à l'engouement en général, l'engouement de mode a ceci de particulier qu'il porte sur un symbole ou sur un signe de caractère expressif dont le signifié (la chose symbolisée) est de l'ordre du prestige social, au sens le plus large du terme (Smelser). Précisément, la mode apparaît lorsque la répartition de semblables symboles s'exerce non plus selon des normes préfixées (à chacun selon son état ou selon sa condition), mais selon un système analogue à celui du marché (à chacun selon ses désirs et ses moyens). Il n'y a véritablement mode que lorsque chacun peut librement revêtir les marques extérieures du prestige social en fonction de l'évaluation qu'il en fait et de la possibilité matérielle qu'il a d'y accéder. Bien entendu, lorsqu'on analyse en termes de mode ce « marché », qui pour une part se confond avec le marché général des biens de consommation, on fait abstraction des fonctions pratiques ou autres que les symboles qui s'y échangent peuvent remplir par ailleurs : fondamentalement, la mode relève de la « consommation ostentatoire ».
L'offre et la demande
Le développement contemporain de la mode n'aurait pu se produire sans qu'apparaisse une offre d'un certain type. Par exemple, la mode paraît étroitement tributaire de la production massive, selon les normes de l'économie libérale, d'ersatz : objets de consommation courante, à bon marché, imitant les matériaux traditionnellement[...]
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Écrit par
- Philippe BESNARD : directeur de recherche au C.N.R.S.
- Olivier BURGELIN : maître assistant à l'École des hautes études en sciences sociales
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