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MODE, sociologie

Forme et sens de la mode

La mode peut être considérée comme définissant un certain système social : on cherchera en ce cas, comme l'ont fait les sociologues, à situer la mode dans l'interaction d'un certain nombre de groupes ou d'acteurs sociaux. Mais on peut également considérer la mode comme une forme plastique ou comme un ensemble signifiant. En l'absence d'une tradition de recherche en ce domaine, on ne peut que se référer à deux études importantes relevant l'une de l'anthropologie (A. L.  Kroeber et J. Richardson), l'autre de la sémiotique ou sémiologie (R. Barthes), et qui l'une et l'autre concernent la mode au sens de fashion.

La mode et le temps

Kroeber et Richardson ont étudié trois siècles d'évolution du vêtement féminin ou, plus précisément, d'un certain nombre de traits du vêtement féminin, définis par des mesures telles que hauteur de la taille ou longueur de la jupe. Il apparaît tout d'abord, au terme de ces mesures, que la variation annuelle de chaque trait particulier s'exerce à l'intérieur de certaines limites, elles-mêmes soumises à une variation cyclique de longue durée, de l'ordre du siècle. Ces limites définissent d'une part un type permanent, relativement stable au cours de la période considérée, d'autre part un type aberrant, relativement instable. Au cours de leur évolution, les différents traits considérés paraissent partiellement interdépendants. Enfin, si certaines circonstances historiques (guerres, bouleversements révolutionnaires) sont susceptibles de se traduire par une grande instabilité dans les variations à court terme, le rythme profond du changement vestimentaire n'en est guère modifié.

Ces résultats pourraient introduire à une réflexion sur les rapports du « style » et de la mode, à peine ébauchée jusqu'à présent. Certaines tentatives ont été faites pour établir une parenté au niveau du « style » ou de l'évolution à long terme entre le vêtement et l'architecture (F. Kiener). On a également tenté de faire ressortir la cohérence formelle des choix accomplis d'année en année par les créateurs, professionnels ou spontanés, de la mode vestimentaire. Les travaux de Kroeber et Richardson n'excluent nullement d'ailleurs que l'on puisse établir certaines relations entre ces choix et ceux qui sont effectués en d'autres domaines, comme par exemple lorsque la mode vestimentaire fait ouvertement des emprunts aux arts plastiques, ce qui a été le cas à diverses reprises depuis la mode « Sonia Delaunay ».

Néanmoins, ce qui résulte avant tout de l'enquête de Kroeber et Richardson, c'est que le changement de mode tel que nous le percevons d'année en année relève d'une rotation ou d'une alternance diachronique des formes, indépendante du cours général de l'histoire. Il n'est donc pas possible de se satisfaire de la formulation banale selon laquelle l'évolution de la mode ne ferait que refléter l'évolution des mœurs. En réalité, la mode connaît une temporalité et une évolution qui lui sont propres et, à cet égard au moins, elle présente le caractère d'un système.

Le système de la mode

C'est précisément un « système de la mode » que Roland Barthes a tenté d'établir, mais synchroniquement, et non plus diachroniquement, en recourant à une analyse structurale des énoncés concernant la mode parus au cours d'une année dans deux magazines féminins. L'analyse repose sur deux hypothèses fondamentales : d'une part, que les faits de mode sont de nature symbolique (ce que confirme en fait toute la tradition sociologique) ; d'autre part, que la signification des faits de mode n'apparaît pleinement que lorsque la mode est prise en charge par un langage. L'analyse porte, d'une part, sur le « code vestimentaire », la manière[...]

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