MODÈLE
Le modèle dans les sciences de la Terre
Les sciences de la Terre se proposent d'aboutir à une description du globe sur lequel vivent les hommes.
Le souci d'objectivité qui doit les animer paraît s'opposer à la considération de modèles conçus a priori ; l'usage de ceux-ci est cependant nécessaire pour analyser les relations entre les aspects différents d'un même phénomène, mais leur portée ne doit pas être surestimée.
La géologie et la classification naturaliste
La géologie est née comme une des branches des sciences naturelles ; et l'idéal de celles-ci, formées pour l'étude des êtres vivants, est la prééminence de l'observation. Pour décrire, nommer et classer, il suffit d'observer les objets fournis par la nature, et il n'y a point à y substituer un modèle construit par l'esprit. Même lorsqu'on compare des espèces différentes, pour les grouper en genres, familles ou ordres, ces groupements ne sont point conçus comme des modèles idéaux, dotés de certains caractères, et indéterminés quant à ceux qui varient d'une espèce à l'autre. C'est à partir d'une espèce type que l'on définit le genre, qui est conçu comme un groupement d'espèces réelles, non comme un ensemble abstrait de caractères qui leur seraient communs.
La géologie s'est inspirée de cette méthode, non sans quelques difficultés, dues à ce qu'en l'absence des phénomènes de la reproduction, les limites de l'espèce ne s'imposent pas. Par exemple, il a fallu réagir contre la tendance à décrire et à nommer toutes les roches magmatiques, les différences qui les séparaient pouvant n'être pas significatives. Pour les familles retenues, il n'existe le plus souvent plus de type, et chaque roche réelle présente quelques caractères particuliers, même si elle répond pleinement à la définition de cette famille. Ne pourrait-on dire qu'au type s'est substitué un modèle idéal, défini par un nombre limité de caractères ? Ou faut-il plutôt considérer que la famille est simplement définie par une liste de caractères ? De même, une notion comme celle d'anticlinal est définie par quelques caractères qui peuvent appartenir à des structures très différentes ; on peut en décrire des exemples, non en construire un modèle.
La géophysique
À cette méthode traditionnelle de la géologie, qui se refuse à la construction de modèles, suspects d'être à la fois arbitraires et artificiels, s'oppose la méthode de la géophysique.
Dès que l'on envisage une grandeur physique mesurable, telle que le temps de parcours d'une onde sismique, un champ magnétique, l'intensité de la pesanteur, dont la valeur dépend de la distribution de certaines propriétés dans un espace étendu, on est conduit à construire un modèle, c'est-à-dire à imaginer un corps jouissant de celles des propriétés de la Terre qui sont bien connues (forme extérieure, vitesse de rotation, etc.) et pour lequel des hypothèses précises définissent la distribution des propriétés intéressées, d'une manière telle qu'il soit possible d'en déduire par le calcul les grandeurs qui, pour la Terre, sont susceptibles d'être mesurées.
Dès 1743, pour étudier l'aplatissement de la Terre, qui devait permettre de vérifier la théorie de Newton, Alexis Clairaut considérait ainsi un globe fluide, en rotation comme la Terre, soumis comme elle à sa propre attraction, et calculait l'aplatissement de sa surface, montrant qu'il n'était égal à celui qui venait d'être mesuré pour la Terre que pour un écart notable de densité entre le centre et la surface. Malgré les différences essentielles entre ce modèle et la Terre, que constituent l'existence du relief à la surface de celle-ci et la rigidité qu'il implique, c'est là une indication précieuse, et dont on a toujours tenu[...]
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Écrit par
- Raymond BOUDON : membre de l'Académie des sciences morales et politiques, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
- Hubert DAMISCH : directeur d'études à l'École pratique des hautes études
- Jean GOGUEL : ingénieur général des Mines, ancien directeur du service de la carte géologique de France
- Sylvanie GUINAND : maître de recherche au C.N.R.S.
- Bernard JAULIN : membre de l'Académie des sciences
- Noël MOULOUD : professeur à l'université des sciences humaines, lettres et arts de Lille
- Jean-François RICHARD : professeur de psychologie à l'université de Paris-VIII
- Bernard VICTORRI : directeur de recherche au C.N.R.S.
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Médias
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