MODÉLISATION DU CLIMAT
Anatomie des modèles de circulation générale
Les modèles de circulation générale (MCG ou GCM en anglais), utilisés tant pour la prévision météorologique que pour l’étude du climat, restent dans leur structure et leur principe très proches de ceux des travaux pionniers évoqués ci-dessus. Ils se sont cependant constamment enrichis au fil du temps, en améliorant la représentation des processus et en en intégrant de nouveaux, avec comme objectif d’être capable de représenter de mieux en mieux, avec un seul modèle, tous les phénomènes météorologiques ou climatiques observés. Il existe bien sûr bien d’autres modèles en sciences du climat – depuis des modèles à très haute résolution détaillant localement le comportement individuel des nuages, jusqu’à des modèles réduisant les grands équilibres climatiques globaux à quelques lois couplées entre elles. Mais les modèles de circulation générale décrits ici jouent un rôle privilégié, car ils visent à intégrer l’ensemble des processus potentiellement importants pour la météorologie ou le climat, depuis l’échelle globale jusqu’à la description (au travers de paramétrisations) des gouttes d’eau dans les nuages. Ils sont souvent appelés aujourd’hui modèles climatiques globaux en conservant le même acronyme MCG.
Le cœur dynamique des modèles
L’objectif premier de ces modèles est de simuler la circulation générale atmosphérique, c’est-à-dire les mouvements de l’air à grande échelle : alizés, circulation de Hadley, anticyclones, tempêtes. Ils sont fondés sur les équations de la mécanique des fluides (équations de Navier-Stokes), les mêmes équations qui décrivent l’écoulement de l’air autour d’une aile d’avion. En pratique, on utilise une version légèrement modifiée de ces équations, les « équations primitives de la météorologie », tirant profit de la faible épaisseur de l’atmosphère (99 % de la masse de l’atmosphère sont situés sous l’altitude de 30 km) comparée au rayon de la planète (6 350 km). Ces équations (dites aux dérivées partielles), qui décrivent l’évolution du fluide atmosphérique (l’air) en tout point de l’espace et du temps, restent cependant très compliquées mathématiquement. Il faudra attendre l’arrivée des ordinateurs pour envisager de les utiliser pour calculer l’évolution de l’atmosphère (hormis la tentative de Richardson). Les ordinateurs ne pouvant pas effectuer des calculs en un nombre de points infinis, il faut faire des approximations. Deux grandes familles de méthodes existent pour ce faire : les méthodes « spectrales », qu’on ne détaille pas ici ; les méthodes « en points de grille », fondées sur un découpage spatial. On calcule les valeurs des variables tous les 100 kilomètres horizontalement, par exemple ; le découpage vertical est plus fin, avec des couches de 10 mètres à 1 kilomètre d’épaisseur, car les grandeurs météorologiques varient beaucoup plus vite verticalement qu’horizontalement. Comme on l’a fait pour l’espace, on « discrétise » aussi le temps, c’est-à-dire qu’on le divise en intervalles. On doit alors transformer les équations primitives, pour passer du monde continu du fluide au monde discontinu ou « discret » du maillage du modèle, et vérifier mathématiquement que les solutions des équations « discrétisées » sont pertinentes.
En pratique, pour réaliser des simulations numériques, il faut introduire dans le modèle les conditions initiales, c’est-à-dire les valeurs de la température, de la pression, de l’humidité, de la direction et de la vitesse du vent en tous les points de la grille (ou maillage) du modèle au démarrage de la simulation. Le modèle va ensuite calculer, à des « pas de temps » successifs (quelques minutes pour les modèles globaux), les valeurs de ces variables pour chaque maille. La partie du modèle qui résout les[...]
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Écrit par
- Hélène GUILLEMOT : chercheuse CNRS, Centre Alexandre Koyré (EHESS, CNRS et MNHN), Aubervilliers
- Frédéric HOURDIN : directeur de recherche CNRS, Laboratoire de météorologie dynamique, Institut Pierre-Simon Laplace, Sorbonne université
Classification
Médias