MODÉLISATION ET PRÉVISION OCÉANOGRAPHIQUES
Les modèles numériques
L’évolution des techniques instrumentales a permis aux mesures océanographiques de prendre un tournant décisif vers une description de l’océan plus globale dans l’espace et plus continue dans le temps. Comme on l’a vu, la « maquette » d’une planète Terre n’est pas réalisable en laboratoire, au sens de l’impossibilité de prendre en compte toutes les échelles spatiales et temporelles et leurs interactions. La compréhension des processus océaniques à l’échelle de la planète n’est alors possible qu’à l’aide de modèles numériques.
Un modèle numérique d’océan est une combinaison raisonnable de l’ensemble des connaissances disponibles. Partant des principes fondamentaux, comme la conservation de l'énergie ou de la quantité de mouvement, on détermine les équations caractérisant l’évolution dans le temps des grandeurs physiques (température, salinité, vitesse des courants…). Ces équations ont une forme mathématique continue. On définit ensuite une grille tridimensionnelle (un maillage) et on transforme les équations continues en équations discrètes (celles-ci deviennent alors une suite d’opérations sur chaque point de la grille). Avec cette étape, appelée discrétisation, on perd une partie du signal que l'on compense par l'addition d'une paramétrisation, représentant ce qui se passe à l'intérieur d'une maille. Ces équations discrétisées sont ensuite codées dans un programme informatique (le modèle numérique). On y adjoint des conditions initiales (l’état initial du système) et des conditions aux limites (c’est-à-dire à la frontière des océans avec l’atmosphère, et au fond des océans). Enfin, on fait « tourner » le modèle, c’est-à-dire que le programme est exécuté sur l’ordinateur pour calculer l’évolution dans le temps des différentes grandeurs physiques. Le modèle numérique permet donc de réaliser une expérience, de mettre en œuvre une maquette numérique de la planète Terre.
Parallèlement aux observations in situ et satellitaires et aux expériences effectuées en laboratoire, la simulation numérique est donc de plus en plus utilisée pour intégrer cet ensemble de connaissances fragmentaires. Plus encore, elle est le seul outil permettant une expérimentation complète, au sens où elle seule prend en compte une grande partie des interactions entre échelles d’espace et de temps caractéristiques des sciences de l’environnement global. La modélisation numérique est donc la seule maquette expérimentale possible pour étudier les mouvements de l’ensemble des océans de notre planète.
Modélisation inverse
Ce type de modélisation consiste à utiliser une partie des équations physiques prises en compte par le modèle numérique pour obtenir des valeurs là où il n’y a pas de données mesurées. Pour cela, on rassemble, pour une région donnée, toutes les observations physiques, dynamiques ou géochimiques disponibles. Même si ces données sont réparties dans le temps, on suppose qu’elles représentent un seul état du système. On choisit alors un ensemble de différentes contraintes (conservation de la masse, contraintes dynamiques, conditions en surface...) qui définit un jeu d'équations caractérisant l'état du système que l'on cherche à résoudre à partir d'une estimation de la solution a priori. Cette estimation est fondée sur les équations de conservation de la masse et du mouvement ainsi que sur les incertitudes des mesures. Par exemple, à partir de plusieurs sections hydrologiques où des profils de température et de salinité ont été effectués, on estime le transport de masse et de chaleur entre les différentes sections en tenant compte de la conservation de la chaleur et du sel, ainsi que des flux thermohalins (concernant à la fois la température et la salinité) de surface, de la contrainte géostrophique (imposant[...]
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Écrit par
- Pascale DELECLUSE : directrice de recherche au CNRS, directrice de l'Institut national des sciences de l'Univers, CNRS
- Claire LÉVY : ingénieure au CNRS, chef de projet NEMO, laboratoire LOCEAN, université Pierre-et-Marie-Curie
Classification
Médias
Autres références
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MARÉES NOIRES
- Écrit par Lucien LAUBIER
- 7 626 mots
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