MODES MUSICAUX
Le mode en Asie et en Afrique
Où trouver des modes ?
La notion de mode n'existe pas dans tous les pays d'Asie et d'Afrique. David Morton et Jacques Brunet, respectivement spécialistes de la musique de Thaïlande et de celle du Cambodge, n'ont trouvé dans ces pays rien qui puisse être comparé à un mode.
Dans l'état actuel de la documentation, la même remarque peut être faite pour ce qui concerne la musique de plusieurs pays du Sud-Est asiatique : Birmanie, Laos, Malaisie, Philippines. À Java, le patet étudié par Mantle Hood est considéré par l'auteur comme un mode. Les cinq tiao (kong, chang, kio, tche, yu), cités souvent par les Occidentaux comme les cinq modes, ne sont en fait que des « aspects d'octave » de l'échelle pentatonique sans demi-tons. C'est-à-dire que, sur chacun des degrés de la gamme pentatonique (fa, sol, la, do, ré), on forme un mode, soit : sol, la, do, ré, fa – la, do, ré, fa, sol – do, ré, fa, sol, la – ré, fa, sol, la, do. Il en est de même pour les jo coréens et les chō (ou sempo) japonais. Les d̄i&êdodot ;u vietnamiens sont bien des modes car, en dehors des échelles, ils présentent d'autres particularités comme la hiérarchie des degrés, l'éthos des modes. Lorsqu'on considère les notions de rāga (Inde), dastgâh ou avâz (Iran), maqām (pays turco-arabes, y compris ceux de l'Afrique du Nord, de l'Égypte), on est en présence de modes présentant certains caractères communs et d'autres propres à chaque concept. Dans des pays africains islamisés, en dehors du Maghreb et de l'Égypte, en Mauritanie par exemple, Charles Duvelle et Michel Guignard ont trouvé les modes dans les notions de el-bhar.
Caractères fondamentaux
Prenant comme exemples le rāga (Inde), le dastgâh ou avâz (Iran) et le maqām (pays arabes, Turquie), on étudiera leurs caractères spécifiques, afin d'en dégager les critères principaux communs à ces trois notions et les critères secondaires propres à chacune d'elles. Ensuite, on cherchera si les autres notions de mode qui ont été mentionnées ci-dessus peuvent être définies par les critères retenus.
Premier caractère : il existe, dans tous les cas, une échelle modale déterminée, avec une structure particulière
Pour le « rāga »
Cette échelle, avec un minimum de cinq notes – les rāga à trois ou quatre sons sont des exceptions –, présente une pente ascendante āroha qui peut être semblable à la pente descendante avahora (par exemple, pour le rāga Bhūpali :
– āroha : sa ri ga pa dha sado ré mi sol la do– avaroha : sa dha pa ga ri sado la sol mi ré do)
ou en être différente (par exemple, pour le rāga Bihāga :
– āroha : sa ga ma pa ni sado mi fa sol si do– avaroha :
Les sept svara de l'échelle n'ont pas de hauteur absolue et ne correspondent pas aux sept notes de la gamme tempérée.
L'octave est divisée en vingt-deux shruti inégaux, un shruti étant un intervalle inférieur à un demi-ton, mais ne correspondant pas nécessairement au tiers ou au quart de ton.
Dans la tradition de l'Inde du Nord, les échelles sont classées en dix principaux types appelés thāt (selon Pandit Bhatkhande).
Le tableau montre les cinq caractères secondaires suivants :
– La note de base sa considérée comme la tonique, ainsi que la note pa qui est à la quinte de sa, ne peuvent être altérées et sont toujours présentes dans la grande majorité des rāga.
– Lorsque le pa est absent, le ma (4te au-dessus de sa) doit être présent ; par exemple, l'échelle du rāga Malkaus est la suivante : sa ga♭ ma dha♭ ni♭ sa (do mi♭ fa la♭ si♭ do).
– La note ma peut être tivra (diésée), les autres notes peuvent être komal (bémolisées).
– Comme la note sa doit être constamment entendue pendant l'exécution musicale, chaque note jouée ou chantée forme avec le [...]
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Écrit par
- TRAN VAN KHÊ : directeur de recherche au C.N.R.S., président et directeur des études du Centre des études de musique orientale
Classification
Médias
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