MODULATION, musique
On appelle modulation le passage durable d'une tonalité à une autre, et non pas forcément d'un mode à un autre, contrairement à ce que pourrait laisser croire la terminologie. Si ce passage se limite à très peu d'accords pour revenir à la tonalité initiale, on parle alors d'emprunt. S'il est plus court encore, on opte pour le terme de dominante secondaire, qui introduit plutôt une variation de couleur qu'un changement tonal à proprement parler.
Les modulations peuvent s'effectuer aux tons voisins, n'entraînant pas plus d'une altération de différence à la clé avec la tonalité d'origine : il s'agit du ton relatif, du ton de la dominante et de son relatif, du ton de la sous-dominante et de son relatif. En partant du do majeur, on obtient la mineur, sol majeur et mi mineur, fa majeur et ré mineur. En partant du sol mineur, on obtient si bémol majeur, do mineur et mi bémol majeur, ré mineur et fa majeur. Chez Jean-Sébastien Bach et Wolfgang Amadeus Mozart, les pédales ne quittent pas le ton principal ou touchent au maximum aux tons voisins ; chez Robert Schumann, elles en sortent. Gabriel Fauré aime partir des tons voisins pour les transformer en sensibles ; par exemple, à partir des tonalités de do majeur, fa majeur et sol majeur, do devient sensible de ré bémol majeur, fa de sol bémol majeur, sol de la bémol majeur : ré bémol, sol bémol et la bémol sont ainsi les nouveaux tons voisins.
En dehors de ces cas particuliers, on parle de modulations aux tons éloignés. L'éloignement est bien sûr variable, mais il peut être très important et propulser le compositeur dans des régions tonales audacieuses par le biais du chromatisme. Si les musiciens baroques et classiques se contentent de modulations aux tons voisins ou proches, les romantiques poussent de plus en plus loin l'exploration tonale. Quand les modulations sont à ce point rapprochées qu'il est difficile de garder le repère d'une seule tonique stable, et que la mouvance tonale semble perpétuelle au point de n'offrir que des modulations de transition, les bases de la tonalité vacillent pour s'orienter vers l'atonalité, comme cela est parfois le cas dès la fin du xixe siècle, chez Franz Liszt par exemple.
La modulation par chromatisme oblige au mouvement chromatique à une voix au moins. Par exemple, si bémol, ré, fa, accord de tonique en si bémol majeur, devient sol, si bécarre, ré, fa, accord de dominante en do.
On appelle accord pivot ou accord mixte un accord appartenant à la fois à la tonalité que l'on quitte et à celle où l'on va. Cet accord d'entrée et de sortie possède donc deux degrés différents, un pour chaque tonalité. Il est particulièrement courant, et permet une excellente transition entre les tonalités.
On appelle modulation au ton homonyme un changement de mode conservant la tonique (sol majeur à sol mineur par exemple).
La modulation par juxtaposition plaque directement, et sans la transition de la dominante, la tonique de la nouvelle tonalité. Elle se trouve après une fin de phrase. Fauré entre souvent dans une nouvelle tonalité par son premier degré sur l'accord de sixte (il passe par exemple de do-mi-sol en do majeur à do-mi bémol-la bémol en la bémol majeur).
La modulation à la tierce (majeure ou mineure) a lieu quand les fondamentales de départ et d'arrivée des tonalités sont distantes d'une tierce. Par exemple, la-do-fa-la (en fa majeur) devient la-do dièse-sol-la qui se résout sur ré-fa dièse-la (en ré majeur).
L'accord de sixte napolitaine (le deuxième degré abaissé d'une gamme) peut être modulant ou non. La Ballade opus 23 no 1 de Frédéric Chopin, que l'on pourrait croire commencer en la bémol majeur, débute en fait par la sixte napolitaine avant de rejoindre le ton de sol mineur.
Dans le cas du tempérament égal, l'enharmonie[...]
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Écrit par
- Sophie COMET : professeur au Conservatoire de Bourg-la-Reine
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Médias
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