WINKEL HOLM MOGENS (1936- )

Hautboïste, chorégraphe, organisateur de la section danoise de la Société internationale de musique contemporaine (S.I.M.C.), président durant de nombreuses années de la Société des compositeurs danois, le compositeur Mogens Winkel Holm, né à Copenhague en 1936 et mort le 31 octobre 1999, est une personnalité reconnue dans son pays autant pour son activité infatigable en faveur de la création que par son œuvre, peu abondante mais abordant tous les genres, inclassable mais à l'éclectisme esthétique le plus revigorant.

« Voir avec ses oreilles, entendre avec ses yeux » – un de ses aphorismes préférés – met son travail en perspective avec la nature, celle-ci incluant la ville et son bourdonnement tout autant que le bruit et la fureur des usines ou celui des torrents. Il est à cet égard l'émule de Claude Debussy enseignant qu'un coucher de soleil ou le bruit du vent est plus important que le contrepoint pour le développement d'une idée musicale. L'esthétique de Winkel Holm s'inscrit dans cette lignée, à laquelle il faut ajouter un nom, celui de Charles Ives. Mais son écriture et les techniques qu'il développe n'ont quant à elles rien à voir avec celles de ses deux illustres aînés. Rien d'étonnant à ce que ce compositeur se retrouve, sans le vouloir, dans la position d'un novateur : avec Galgarien, pour orchestre (1970), n'a-t-il pas anticipé la vague minimaliste ? Mais, et là est tout l'intérêt de ce défricheur réfractaire à tout système, le voici qui compose Aiolos, pour orchestre (1972-1977), qui obéit à un structuralisme aux antipodes de l'œuvre précédente, puis Syv breve til stilheden (« Sept Lettres au silence », 1976, révisé en 1987), qui s'offre comme une pure magie sonore impressionniste faisant référence à l'univers de Morton Feldman.

Bref, Winkel Holm est fâché avec les étiquettes, les écoles, les mouvements esthétiques constitués. Libre et indépendant, il a toujours œuvré en marge des rubriques officialisées, refusant de s'inscrire dans la tradition de la musique danoise instaurée par Vagn Holmboe et son enseignement au sein de l'Académie royale de musique du Danemark.

Évitant tout autant le courant de l'école de Darmstadt que celui dit de la nouvelle simplicité qui envahit son pays dans les années 1960, Winkel Holm trouve leur « antidote » dans la nature (comme John Cage, il apprend la mycologie, et, comme Olivier Messiaen, l'ornithologie), dont les forces premières, chtoniennes, constituent les sources de sa pensée compositionnelle. Du vent, de la mer, des rivières tumultueuses, des nuits par la lune éclairées, des jeux fantasmatiques des nuages, il tire des schèmes qui irriguent sa musique à l'instar de canaux invisibles et souterrains, ainsi dans Cumulus, pour cordes (1965), Aria - Tilfuglene (« Aria pour les oiseaux », 1989), Aiolos, symphonie en un mouvement (1980), pour ne citer que ces trois pages.

Autres caractéristiques de ce créateur : la complexité de son geste musical, la richesse polyphonique de son univers sonore et la rigueur de ses schèmes, qui se souviennent des leçons de la musique sérielle tout en évitant ses écueils (perception monochrome, indifférenciation structurelle des intervalles au sein du discours). Mais ses compositions requièrent de la part des exécutants une virtuosité qui n'est pas sans rapport avec une improvisation qui serait, là, comme codifiée, ce qui rapproche Mogens Winkel Holm de Brian Ferneyhough. Pour autant, le résultat sonore n'est pas perçu comme complexe (contrairement au compositeur britannique), car sa musique atteint un équilibre instable entre rigueur formelle et tension expressive. C'est pourquoi les œuvres de Winkel Holm, ressenties comme dramatiques, sensibles et colorées, s'appuient sur des « squelettes » compositionnels d'une grande précision, qui servent au compositeur[...]