EL BARADEI MOHAMED (1942- )
« La négociation plutôt que la guerre ». Telle semble être la maxime qui a toujours animé Mohamed El Baradei. Pourtant rien ne prédisposait ce diplomate de carrière au tempérament réservé à devenir la bête noire de l'administration Bush dans sa guerre contre le terrorisme.
Né au Caire en 1942 dans une famille de juristes reconnus, Mohamed El Baradei obtient en 1962 une licence en droit à l'université du Caire, avant de poursuivre ses études à Genève au sein de l'Institut universitaire de hautes études internationales où il obtient un diplôme d'études approfondies en droit international. Il achève sa formation de juriste en 1974 par un doctorat en droit international de l'université de New York. Parallèlement à un cursus universitaire cosmopolite et sans faille, il s'engage dès l'âge de vingt-deux ans dans les services diplomatiques égyptiens, où il travaille déjà sur les questions relatives à la limitation des armements. Son expérience de la diplomatie de haut niveau l'amène également à participer aux négociations des accords de Camp David. En 1980, il quitte la diplomatie égyptienne pour se mettre au service de l'O.N.U. en qualité de responsable du programme de droit international auprès de l'Institut des Nations unies pour la formation et la recherche (U.N.I.T.A.R.). Il entre dès 1984 à l' Agence internationale de l'énergie atomique (A.I.E.A.), où il gravit patiemment les échelons avant de succéder en 1997 à Hans Blix pour prendre la tête de l'organisation, qu’il conserve jusqu’en 2009.
Ironie de l'histoire, Mohamed El Baradei doit sa première nomination comme directeur général de l'A.I.E.A. au soutien des États-Unis. Aux dires de l'ambassadeur américain de l'époque, il « est exactement le type de personne que nous voulons dans le rôle : quelqu'un provenant d'un pays en développement qui dispose d'un état d'esprit occidental mais avec une sensibilité du Tiers Monde ». Sa réputation de technocrate consciencieux et discret rassurait tous ceux qui souhaitaient maintenir l'A.I.E.A. dans le strict mandat technique et apolitique censé être le sien. Instituée en 1957 à l'initiative d'Eisenhower, l'A.I.E.A. a pour mission d'encourager le développement du nucléaire civil, au risque de constituer pour certains l'antichambre de la prolifération des armes nucléaires. L'ambiguïté congénitale de son mandat est à l'image du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, dont l'A.I.E.A. est l'organe de surveillance. Ce traité conclu en 1968 entérine l'existence de puissances dotées de l'arme nucléaire et interdit aux autres États de se doter d'une telle arme, tout en leur reconnaissant le droit, inaliénable, au nucléaire civil. Suivant une formule inhabituellement peu diplomatique, Mohamed El Baradei devait ainsi comparer les puissances dotées de l'arme nucléaire à « ceux qui fument une cigarette aux lèvres et demandent aux autres de ne pas fumer ». La découverte en 1991 du programme nucléaire clandestin irakien montre les limites de la philosophie de la « paix par l'atome » et justifie un renforcement des moyens d'action de l'A.I.E.A. dans le contrôle de l'armement nucléaire.
Une décennie plus tard, c'est précisément sur cette même question irakienne que le divorce entre El Baradei et l'administration Bush est consommé. Il apparaît au devant de la scène pour contester point par point l'existence d'armes de destruction massive avancée par les États-Unis pour justifier l'invasion de l'Irak. C'est ainsi qu'en mars 2003 il n'hésitera pas à affirmer devant le Conseil de sécurité que l'une des pièces maîtresses de l'argumentaire américain – une lettre censée attester l'achat d'uranium par l'Irak[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Vincent CHETAIL : docteur en droit, professeur adjoint en droit international, Institut de hautes études internationales et du développement, Genève (Suisse)
Classification
Média