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BEN ARAFA MOHAMMED (1890-1976)

Moulay Mohammed Ben Arafa el-Alaoui est entré presque malgré lui dans l'histoire du Maroc : du 20 août 1953 au 30 septembre 1955, son nom fut opposé par les passions coloniales à celui du sultan exilé, Mohammed V.

Le roi Mohammed V, qui avait progressivement lié son destin au mouvement nationaliste, fut, après la Seconde Guerre mondiale, jugé par le pouvoir français du protectorat comme l'homme de l'Istiqlal, de l'indépendance. Le maréchal Juin, de 1947 à 1951, employa la manière forte pour écraser le mouvement nationaliste et mettre le sultan au pas, s'appuyant localement sur l'opposition à la fois politique et personnelle qui soulevait contre Mohammed V, d'une part le Glaoui, puissant chef féodal et grand affairiste, et d'autre part le chérif Kettani, dignitaire religieux traditionaliste.

Le précédent que constituait le remplacement, en 1912, d'un sultan peu coopératif fut évoqué. On en fit planer la menace sur Mohammed V en février 1952 par une marche populaire sur Rabat, organisée par le Glaoui.

Cédant tactiquement aux exigences du résident français, le sultan désamorça le mouvement : ce n'était que partie remise.

C'est à cette occasion que fut évoqué le nom de Ben Arafa. On avait cherché dans la famille régnante un candidat au sultanat qui fût effacé et docile. On ne trouva guère que ce lettré de Fès, homme déjà âgé, petit-cousin de Mohammed V et petit-fils du sultan Moulay Hassan. Respecté et respectable, il avait la vertu requise : l'absence de toute envergure. Le coup projeté ayant échoué, le candidat désigné fut renvoyé à sa modeste retraite.

Sous le général Guillaume, successeur du maréchal Juin, la tension entre le mouvement nationaliste et le parti colonial avec ses collaborateurs marocains s'aggrava. Le Glaoui rallie des caïds et des pachas, les organisations religieuses traditionalistes étant travaillées par le chérif Kettani. Encouragés en sous-main par la résidence, les conjurés s'organisent. Après un serment collectif à Moulay Idris, ils se rassemblent à Marrakech où ils tiennent caché Ben Arafa.

Le 16 août 1953, ils proclament, sinon un nouveau sultan, du moins le remplacement de Mohammed V par Ben Arafa dans ses fonctions religieuses. La résidence emboîte le pas : un détachement militaire se présente le 20 août au palais et conduit le souverain et ses deux fils vers un avion en partance pour l'exil. Le fait accompli est là. Si, en France, on l'accepte, ce n'est pas le cas au Maroc. La déposition de Mohammed V provoque une prise de conscience nationale généralisée.

Tant sur le plan populaire, où chansons satiriques et quolibets vont bon train, que sur le plan politique, Ben Arafa ne peut se faire d'illusions. Alors qu'il se rend à la mosquée du palais royal, le 11 septembre 1953, il échappe au couteau d'un agent nationaliste.

Malgré la présence d'un service d'ordre puissant et l'aménagement d'un lieu de prière fortifié dans les mosquées, une scène semblable se reproduit à Marrakech le 5 mars 1954. Calfeutré dans son palais, le sultan ne peut que méditer sur son inefficacité. Plus question, en effet, des réformes dont on disait pourtant que Mohammed V en avait empêché la réalisation. Bien au contraire les autorités françaises font signer à Ben Arafa, dès son avènement, les textes qui le condamnent de façon définitive : d'une part, il perd tout pouvoir effectif au profit d'un conseil composé de Marocains désignés et de fonctionnaires français ; d'autre part, il paraphe les documents qui, en pratique sinon en droit, instaurent la cosouveraineté au mépris même des conventions du protectorat. Ben Arafa souhaite – croit-on savoir – reprendre sa liberté, mais ses partisans sont aussi ses geôliers : une alliance coloniale, où se retrouvent aux côtés des hommes du Glaoui des extrémistes français regroupés dans l'association Présence[...]

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Écrit par

  • : maître assistant à l'université de Paris-III

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