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DIB MOHAMMED (1920-2003)

Mohammed Dib a traversé toute l'histoire de la littérature algérienne de langue française, et il y occupe une place particulière et éminente. Il appartient d'abord au courant réaliste de la première génération d'auteurs maghrébins, qui veut témoigner contre la situation coloniale. Mais son œuvre évolue vite et donne une place plus large aux jeux de l'imaginaire, avant d'aboutir, dans les années 1980 et 1990, à une écriture méditative et souvent onirique, centrée sur l'exil et la quête du sens.

Né le 21 juillet 1920 à Tlemcen, vieille ville de l'ouest de l'Algérie, passé par l'école normale d'Oran, Mohammed Dib est instituteur pendant la Seconde Guerre mondiale. Puis il devient comptable. Un moment interprète auprès des armées alliées à Alger, il est enfin employé comme dessinateur dans une fabrique de tapis. Il côtoie Kateb Yacine à Alger républicain, où il est journaliste en 1950-1951. Il a déjà commencé à écrire des poèmes et des textes brefs, et prépare la rédaction d'une trilogie romanesque où se révélerait le destin réel de l'Algérie. Le premier volume, La Grande Maison, paraît en 1952 ; le deuxième, L'Incendie, dont le titre semble prémonitoire, sort en 1954, quelques mois avant le déclenchement de l'insurrection algérienne. Le cycle s'achève avec Le Métier à tisser, en 1954. La trame narrative suit la découverte progressive des injustices du monde par un enfant, Omar, à la ville, à la campagne, puis au travail, dans un atelier de tisserand. Au-delà de la dénonciation de la situation née de la colonisation, Dib se montre attentif à l'exploration par ses personnages d'une profondeur secrète du monde. Il en va de même avec le récit éclaté d'Un été africain (1959).

Militant du Parti communiste algérien, proche du mouvement de libération, Mohammed Dib est contraint de quitter son pays en 1959. Après quelques voyages, il se fixe définitivement en France, et ne retournera en Algérie que pour des séjours brefs.

Qui se souvient de la mer (1962) marque une étape essentielle dans son évolution littéraire. Si le roman, paru l'année même de l'indépendance, est bien une évocation des horreurs de la guerre, il n'en tourne pas moins le dos au réalisme. La Postface, qui se réclame de l'exemple du Guernica de Picasso, revendique le droit d'utiliser périphrases et métaphores pour dire, au moyen d'une écriture poétique, ce qui n'a pas de nom, et pour explorer l'autre côté des choses. Cours sur la rive sauvage (1964) va encore plus loin dans ce sens.

La Danse du roi (1968) forme avec Dieu en Barbarie (1970) et Le Maître de chasse (1973) une nouvelle trilogie romanesque, centrée cette fois sur l'Algérie d'après l'indépendance. Mohammed Dib y met en question le jeu de la mémoire, la fondation de nouveaux pouvoirs, les contradictions et les espoirs d'une société en mutation. Mais son œuvre est multiforme. Outre des recueils de nouvelles (Au café, 1956 ; Le Talisman, 1966 ; La Nuit sauvage, 1995), des contes, des essais pour le théâtre ou le cinéma, il a composé plusieurs recueils de poèmes : Ombre gardienne (1961), Formulaires (1970), Omneros(1975), Feu, beau feu (1979), Ô vive (1988), L'Aube Ismaël (1995), L'Enfant-jazz (1998). Poète exigeant, il privilégie la recherche d'un langage nu, creusant la vacuité sonore des mots, mêlant dans sa quête érotisme et métaphysique.

Habel(1977) est un roman de l'exil (le héros est un jeune émigré maghrébin à Paris) mais surtout une quête sans espoir, qui révèle les violences de la modernité et le brouillage généralisé du sens. Désormais, Mohammed Dib va approfondir cette thématique de la quête identitaire et spirituelle. Son cycle nordique (Les Terrasses d'Orsol, 1985 ; Le Sommeil d'Ève, 1989 ; Neiges[...]

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  • FRANCOPHONES LITTÉRATURES

    • Écrit par
    • 7 220 mots
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  • MAGHREB - Littératures maghrébines

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