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OSTROGORSKI MOÏSEÏ (1854-1919)

Un des pionniers de la sociologie politique, ses travaux ont influencé Robert Michels (Les Partis politiques, 1911), Max Weber (La Vocation d'homme politique, 1919) et, plus près de nous, de nombreux auteurs, notamment Maurice Duverger qui, dans ses Partis politiques (1951) a reconnu sa dette à son égard.

Né en 1854, à Grodno, en Russie, Moïseï Ostrogorski fit ses études de droit à Saint-Pétersbourg, avant de suivre à Paris les cours qu'Émile Boutmy professait à l'École libre des sciences politiques. Son premier ouvrage, La Femme au point de vue du droit public fut publié en français en 1892 et lui valut un prix de la faculté de droit de Paris. Il fit de nombreux voyages en Grande-Bretagne et aux États-Unis pour enquêter sur les partis politiques et il publia en 1903, à Paris, son grand livre : La Démocratie et l'organisation des partis politiques dont il donna, en 1912, une nouvelle édition abrégée. Ostrogorski fut élu, en 1906, député à la première Douma, comme représentant du Parti libéral constitutionnel démocrate (Cadet) et il a été membre du comité du Parti. Mais il n'eut plus aucune activité politique après la dissolution de la Douma et on ignore comment il réagit à la Révolution de 1917.

Comme Alexis de Tocqueville, auquel il doit beaucoup, Ostrogorski veut construire une science politique nouvelle pour un temps nouveau : le temps de la démocratie. Et, comme lui, il pratique la méthode comparative. Il est vrai qu'Ostrogorski a étudié principalement les partis politiques auxquels Tocqueville a consacré bien peu de pages ; mais il ne s'est pas intéressé seulement au fonctionnement des partis, il a cherché leurs fonctions dans la vie politique ; en dernier ressort, comme Tocqueville, il a médité sur les limites des démocraties et sur leurs modes de corruption, c'est-à-dire sur leurs difficultés d'être et de durer. Ainsi, il a joué un rôle qui, selon ses propres termes, était celui d'un « pessimiste public ».

Aux États-Unis et en Grande-Bretagne, il a étudié les partis comme modes d'organisation de la démocratie. Nés des transformations du système politique provoquées par l'introduction du suffrage des masses, ces derniers sont rapidement devenus des machines complexes destinées à rassembler les voix et à transformer l'énergie politique diffuse en pouvoir de politiciens professionnels. Ainsi les moyens politiques ont fini par supplanter l'intérêt public et ce n'est pas sans nostalgie qu'Ostrogorski rappelle la définition fameuse qu'Edmund Burke a donnée du parti : « Un corps d'hommes qui s'unissent pour mettre leurs efforts communs au service de l'intérêt national, sur la base d'un principe auquel ils adhèrent tous ». Au lieu de cela, les machines politiques n'ont d'autre but que leur propre croissance et, comme l'orthodoxie de parti est nécessaire à leur bon fonctionnement, elles imposent le conformisme politique et réduisent d'autant le pouvoir de l'opinion et ce que l'auteur appelle « le pouvoir d'intimidation de la démocratie ». En outre, le caractère permanent des partis politiques et leur prétention à prendre position sur tous les problèmes publics créent des associations artificielles qui ne correspondent pas aux clivages réels de l'opinion. L'existence de ces « partis-omnibus » contribue ainsi à déformer fortement le débat politique.

Cette agrégation et cette simplification des choix, que d'autres observateurs mettront, par la suite, au crédit des partis politiques, représentent pour Ostrogorski une falsification. Le système électif ainsi organisé n'est qu'un hommage purement formel à la démocratie qui a pour résultat de remettre la direction politique à une oligarchie et de dégrader l'esprit public. « À bas le parti, vive la ligue », s'écrie l'auteur qui oppose[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-V, maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris

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