VAINBERG MOISSEÏ SAMUILOVITCH ou MIECZYSŁAW (1919-1996)
Le compositeur russe d'origine polonaise Moisseï Vainberg apparaît comme l'héritier de la tradition russe allant de Sergueï Taneïev à Dmitri Chostakovitch, et incluant Alexandre Scriabine et Nikolaï Miaskovski. Mais la filiation tient plus à la compréhension profonde de l'éthique professée par ses aînés qu'à des emprunts directs à leurs techniques de composition.
Sous l'égide de Chostakovitch
Né dans une famille juive polonaise le 8 décembre 1919 à Varsovie, où son père est compositeur et violoniste, Moisseï Samuilovitch Vainberg tint, au soir de sa vie, à reprendre le prénom de Mieczysłlaw, qui marque ses origines (dans les pays anglo-saxons, son patronyme est généralement écrit Weinberg ou Vaynberg). À l'âge de douze ans, il est admis dans la classe de piano de Józef Turczyński au Conservatoire de Varsovie. Il passe son diplôme de fin d'études en juin 1939. L'invasion allemande l'oblige à fuir en Ukraine, et il se réfugie d'abord à Minsk, où il suit pendant deux années la classe de composition de Vassili Andreïevitch Zolotarev (1872-1964), qui avait été lui-même élève de Balakirev et de Rimski-Korsakov. Les membres de sa famille, restés à Varsovie, sont brûlé vifs par les nazis. L'attaque allemande contre l'U.R.S.S. le fait fuir encore plus à l'est et il se retrouve à Tachkent, en Ouzbékistan (1941-1943), en tant que répétiteur à l'Opéra. Il rédige la première (1942) de ses dix-neuf symphonies et en envoie copie à Chostakovitch qui, à sa lecture, le fait inviter à venir travailler auprès de lui à Moscou. Le maître et l'élève deviennent amis, jouent de temps en temps ensemble à deux pianos (première de la réduction de la Symphonie no 10 de Chostakovitch), s’entraident et s'influencent l'un l'autre. La sympathie profonde que Chostakovitch porte à son cadet peut tenir à leurs origines polonaises communes, mais plus probablement à l'utilisation qu'ils font du patrimoine hébraïque, en particulier des chansons de ghetto. Chostakovitch trouve en Vainberg un créateur qui a le sens des grandes architectures épiques, de la musique pure et concise, celle du quatuor à cordes et des formes classiques (symphonies et concertos). De son côté, Vainberg affirme : « Je suis un élève de Chostakovitch quoique je n'ai jamais pris de leçons auprès de lui. Je me considère comme son élève, sa chair et son sang. » Cette indéfectible amitié lui est particulièrement utile alors qu'il est l'objet d'innombrables attaques de la part des autorités soviétiques. Il épouse la fille du plus grand acteur juif d'U.R.S.S., Solomon Michoels (alias Vovsi). Celui-ci est assassiné sur ordre de Staline le 13 janvier 1948, écrasé dans une rue de Minsk. La pression ne se relâche pas, sa femme étant la nièce de Miron Vovsi, un des médecins impliqués dans le prétendu « complot des blouses blanches ». Vainberg se retrouve en prison et n'en sort que sur intervention de Chostakovitch, le 25 avril 1953, au lendemain de la mort de Staline (5 mars).
Dans un tel contexte, on pourrait penser que Vainberg n'a guère le loisir de composer. Créateur indépendant, il est à la merci de ses amis et collègues qui lui sous-traitent des commandes officielles et le font participer à la vie musicale moscovite. Vainberg écrit de nombreuses partitions à l'intention d'instrumentistes, de solistes et de compositeurs bénéficiant (provisoirement parfois) de l'appui des autorités. Une liste de ses œuvres disponibles, publiée en 1980, laisse ainsi apparaître quelques étonnantes lacunes, certains dédicataires célèbres (le violoncelliste Mstislav Rostropovitch, sa femme, la soprano Galina Vichnievskaia, l'altiste et chef d'orchestre Rudolf Barchaï, le chef d'orchestre Kiril Kondrachine... réfugiés en Occident) étant[...]
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Écrit par
- Pierre-É. BARBIER : producteur à Radio France, musicologue
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