MOLÉCULE
On dit souvent qu'une molécule est la plus petite entité d'une substance pouvant exister à l'état libre. En fait, la notion de molécule est bien plus complexe.
Une observation toute banale peut être le point de départ de recherches fructueuses. Il suffit par exemple de regarder un morceau de sucre se dissoudre dans une tasse de thé. On voit de fines traînées se développer à partir du morceau de sucre, se ramifiant, se propageant lentement dans toutes les directions, pour progressivement disparaître, laissant le thé de la tasse d'apparence bien homogène, comme si le morceau de sucre s'était divisé en parcelles extrêmement petites, invisibles pour notre œil. Les anciens Grecs, s'ils ne connaissaient ni le sucre ni le thé, avaient cependant remarqué le même phénomène de dispersion de la matière en versant lentement un filet de vin dans l'eau d'un cratère. L'expérience était d'autant plus frappante que le vin est un liquide coloré. Très vite, ils comprirent que celui-ci était constitué de petites « particules » porteuses des propriétés du vin, qui se dispersaient dans l'eau. Une observation similaire peut être faite lorsqu'on brise un caillou ou un morceau de métal en fragments de plus en plus petits. Mais jusqu'où pouvait aller ce fractionnement ? L'infini était pour les Anciens une notion angoissante, la notion de limite étant inconnue des philosophes de cette époque ; ils en conclurent que le fractionnement devait nécessairement aboutir à des particules de taille très petite, certes, mais finie, au-dessous de laquelle on ne pouvait plus descendre. D'où le nom d'atomes, c'est-à-dire des édifices « insécables », qu'ils donnèrent à ces particules. Aujourd'hui, le mot atome a un autre sens.
En l'absence de connaissances précises sur la structure de la matière, la notion de molécule resta longtemps un concept purement spéculatif. La molécule elle-même, en tant qu'objet physique, fut même contestée au xixe siècle par plusieurs chimistes, considérée tout au plus comme une notion inutile pour expliquer la réactivité chimique. Ce n'est finalement que vers la fin du xixe siècle que, petit à petit, la situation se clarifia avec la théorie cinétique des gaz, la découverte de l'électron et surtout les travaux d'Ernest Rutherford qui montra que la matière était constituée de particules massives de charge positive autour desquelles gravitaient des électrons. Aussi, aujourd'hui, plutôt que d'essayer de définir la molécule en tant que limite ultime d'un fractionnement, il est préférable de suivre un cheminement synthétique tel que nous le permettent les résultats obtenus par la physique des particules, précisément en suivant l'historique de la formation de la matière telle que la cosmologie nous l'enseigne.
Si l'on excepte quelques particules exotiques, comme les neutrinos ou les mésons, toute la diversité que présente la matière dans l'Univers résulte en fait d'associations en proportions convenables de seulement trois éléments de base : d'une part, l'électron, particule très légère de masse m = 9,109 10—28 g et de charge e = —1,602 10—19 coulomb, d'autre part, le protonet le neutron, de masse pratiquement égale (respectivement 1837 et 1838 m), le premier étant porteur d'une charge + e, le second étant neutre. Contrairement à l'électron, le proton et le neutron ne sont pas des particules élémentaires. Ils sont formés de l'union de quarks, qui sont considérés, eux, comme des particules élémentaires. Mais, pour les problèmes qui intéressent le chimiste, la structure interne du proton et du neutron n'intervient pas, de sorte qu'on peut les considérer comme des unités de base au même titre que l'électron.[...]
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Écrit par
- André JULG : professeur émérite à l'université de Provence
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