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MOLIÈRE (1622-1673)

Quatorze ans de succès

Il faut s’arrêter un peu plus longuement sur les étapes qui marquent les quatorze années de cette seconde carrière parisienne. La première d’entre elles consiste dans le succès à la fois inattendu et phénoménal que connaît Les Précieuses ridicules, petite comédie de complément de programme, composée par Molière à l’automne 1659, une année après l’établissement de la troupe à Paris. En parodiant les usages sociaux du monde galant au travers de la représentation d’un salon caricatural, en forgeant un pseudolangage d’initiés à partir de quelques expressions à la mode, il propose un nouveau type de rapport à l’univers familier du public, tout en offrant un contenu théâtral d’un genre inédit. L’engouement est tel qu’en dépit des usages qui veulent qu’on n’imprime pas ce genre de pièces, des tentatives de piratage se font jour, lesquelles contraignent Molière à mettre précipitamment sous presse cette pochade en un acte rédigée en prose. C’est le premier texte que Molière confie à l’impression et l’auteur novice ne manque pas, dans sa préface, de plaisanter sur son accession inattendue à cette nouvelle dignité.

La réputation des spectacles de la troupe n’en est pas moins faite. Durant les années suivantes, Molière va exploiter le filon en continuant à offrir de petites comédies jouant sur les effets d’imitation de la réalité familière des spectateurs : portraits caricaturaux des types humains auxquels est confronté l’homme de cour (Les Fâcheux les décline en série) ou variations sur les moyens d’affronter l’épreuve du cocuage, expérience commune et sujet incontournable au sein d’une cour qui, au début des années 1660, se targue de liberté amoureuse (Le Cocu imaginaire, 1660 ; L’École des maris, 1661).

<em>L'École des femmes</em> de Molière, mise en scène de Jacques Lassalle - crédits : Raphael Gaillarde/ Gamma-Rapho/ Getty Images

L'École des femmes de Molière, mise en scène de Jacques Lassalle

Avec L’École des femmes(1662), Molière, qui entretemps a épousé Armande Béjart, fille de Madeleine Béjart, franchit un nouveau pas. Il propose, sous la forme noble d’une comédie en cinq actes et en vers, une histoire qui pousse à son paroxysme la logique de la domination masculine au sein du mariage. Le sujet est provocant, la pièce est saturée d’allusions grivoises. Les représentations connaissent un succès foudroyant et, lorsque l’intérêt baisse, Molière le relance en complétant le programme par une petite pièce intitulée La Critique de L’École des femmes (1663), qui représente les protagonistes d’un salon en train de débattre des mérites de la comédie de Molière. L’École des femmes et son prolongement « critique » créent la surprise et suscitent l’indignation au sein du milieu théâtral, en donnant l’impression que Molière ne respecte pas les bonnes pratiques dans sa manière d’élaborer des spectacles et d’attirer l’attention sur ceux-ci.

Le succès est tel qu’il amène le roi à prendre à son service ce nouvel amuseur public à la mode. Molière et sa troupe sont invités à offrir un spectacle de leur cru au sein de la grande fête des Plaisirs de l’île enchantée, que Louis XIV donne à Versailles en mai 1664. Ce sera La Princesse d’Élide, comédie mêlée d’intermèdes musicaux et de ballets composés par Lully, qui concilie analyse fine de la psychologie amoureuse et plaisanteries bouffonnes. Mais Les Plaisirs de l’île enchantée offriront également à Molière l’occasion de présenter en primeur à un public restreint, dans la partie officieuse de la fête, une pièce inédite consacrée au phénomène de la direction de conscience. Sous prétexte de dénoncer les méfaits de cette pratique et de l’hypocrisie religieuse, la comédie, qu’on désigne par le nom de son personnage principal, Le Tartuffe, remet en cause le magistère de l’institution ecclésiale, l’emprise qu’elle exerce sur la société, et ridiculise les gens d’Église en les montrant en proie au désir sexuel. Le sujet s’avérant trop délicat dans le cadre des[...]

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Écrit par

  • : professeur de littérature française à l'université de Fribourg

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Médias

<em>Molière (1622-1673) dans le rôle de César de </em>La Mort de Pompée<em> de Corneille</em>, N. Mignard - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Molière (1622-1673) dans le rôle de César de La Mort de Pompée de Corneille, N. Mignard

<em>L'École des femmes</em> de Molière, mise en scène de Jacques Lassalle - crédits : Raphael Gaillarde/ Gamma-Rapho/ Getty Images

L'École des femmes de Molière, mise en scène de Jacques Lassalle

<em>La Princesse d’Élide</em>, Molière et Lully - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

La Princesse d’Élide, Molière et Lully

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