MOLIÈRE (1622-1673)
De la vedette à l’auteur classique
Au moment de sa mort, Molière bénéficie d’une notoriété immense. La surprise de l’événement et la coïncidence avec le sujet médical de la pièce qu’il jouait quelques heures avant de mourir frappent les esprits et donnent lieu à d’innombrables commentaires, parmi lesquels des dizaines d’épigrammes qui circulent sous forme manuscrite ou imprimée. La disparition du chef de troupe entraîne une désorganisation et une phase de latence, qui débouchent sur une restructuration complète de l’offre théâtrale à Paris. En 1680, le roi décide de fusionner l’ancienne troupe de Molière et celle de l’hôtel de Bourgogne pour créer la Comédie-Française. La nouvelle troupe, dont la mission première est de proposer une offre régulière et substantielle en matière de théâtre parlé, n’hésite pas à maintenir dans son répertoire un grand nombre de comédies de Molière, dont la faveur ne faiblit pas. Se met en place un phénomène de « classicisation », qui s’accentue à mesure que le « siècle de Louis XIV » s’achève et se mythifie aux yeux des contemporains de Voltaire. À cela s’ajoute la parution en 1682 d’une édition des Œuvres, qui reprend les pièces déjà éditées, tout en y joignant des inédits demeurés en main de la veuve de l’auteur, ainsi qu’une préface détaillant sa biographie Molière devient ainsi une figure tutélaire du théâtre, en même temps qu’un individu légendaire sur le compte duquel circulent nombre de rumeurs, dont une grande part colportée par des recueils d’anecdotes.
Pour autant la diffusion de l’œuvre ne se limite pas aux scènes françaises. Dès les années 1670, ses comédies constituent la base de nombreux spectacles proposés sur les scènes européennes, en langue originale ou en traduction, en version fidèle ou retravaillée, simplifiée, combinée avec des extraits provenant d’autres pièces, tantôt dans un geste de révérence, tantôt en tant que simple matériau théâtral. Cette fortune scénique accompagnera le prestige de la culture française dans l’espace européen des Lumières et donnera son plein essor à la notoriété universelle que connaîtra Molière dans les siècles suivants.
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Écrit par
- Claude BOURQUI : professeur de littérature française à l'université de Fribourg
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