MOLIÈRE (1622-1673)
Molière entrepreneur de spectacles
Sous la direction de Molière, les comédiens du Palais-Royal connaissent un succès croissant et s’affirment comme la troupe la plus renommée du royaume. Cette réussite est due à une succession de choix stratégiques judicieux, s’efforçant de répondre aux défis qu’impose un environnement continuellement mouvant. Le répertoire des pièces offertes au public est sans cesse adapté à l’évolution de la demande. Cela se traduit non seulement dans la primauté progressivement accordée à l’humour et aux pièces composées par Molière, mais aussi dans la sélection des auteurs proposant des nouveautés (plusieurs tragédies de Corneille ou Racine seront créées au Palais-Royal : Attila, Tite et Bérénice, La Thébaïde, Alexandre le Grand). On distingue le même souci d’adaptation en ce qui concerne les reprises (au début des années 1660, la troupe jouera la carte des comédies « classiques » de Scarron : Jodelet ou le maître valet, Dom Japhet d’Arménie) et plus généralement dans certaines orientations esthétiques (plusieurs pastorales, parmi lesquelles Les Charmes de Félicie de Montauban ou la Délie de Donneau de Visé seront mises au programme).
En parallèle, la troupe trouve le moyen de répondre à la vogue qui se fait jour dans le domaine de la pièce à machines : avec des moyens modestes au début, elle parvient à proposer des spectacles intégrant changements de décor à vue, vols, trappes, tantôt sur la base de textes écrits par Molière lui-même (Amphitryon, Le Festin de pierre), tantôt en créant ou reprenant des tragédies d’auteurs sollicités pour l’occasion (Les Amours de Diane et d’Endymion de Gabriel Gilbert). Et surtout elle se fait fort d’offrir au public des spectacles intégrant une importante composante musicale, en collaborant étroitement avec Jean-Baptiste Lully, puis avec Marc Antoine Charpentier. Les diverses formules de comédies mêlées sont continuellement réajustées aux circonstances et à l’évolution du goût, et tentent de répondre à la concurrence de l’opéra naissant : « comédie-mascarade » (Le Mariage forcé, 1664), comédie-ballet (Le Bourgeois gentilhomme), tragédie-ballet (Psyché). À partir de 1664, les comédies mêlées représentent la majorité des productions de la troupe.
L’efficacité moliéresque se révèle également dans les méthodes de promotion du spectacle : sollicitations auprès des gazetiers (qui tiennent lieu de couverture « médiatique » de l’époque), lesquelles atteignent leur sommet au moment de la production de Psyché ; campagnes de relations publiques visant les grands du royaume, coups de force publicitaires, recherche de nouveaux débouchés, recrutement d’acteurs qui étoffent avantageusement l’effectif de la troupe.
Il ne faut pas négliger enfin l’entreprise de séduction exercée auprès du souverain : éloges répétés, déclarations de soumission, offres d’exclusivité. La troupe de Molière a ainsi le privilège, après avoir été soustraite au patronage du surintendant Fouquet dont l’élan est brisé par Louis XIV en 1661, d’être désignée troupe du roi à partir de 1665. La comédie devient alors un divertissement princier : invitée dans les demeures royales et dans celles des grands, systématiquement associée aux fêtes et aux ballets qui se donnent à la cour, elle s’affirme comme une composante indispensable de l’offre que fait miroiter le monarque en matière de divertissements. Il est vrai que Molière et les siens excellent à fournir le « produit » idéalement adapté à ces circonstances particulières, en mettant au point à chaque fois des formules innovantes, qui concilient les exigences respectives de la musique, de la danse et du théâtre parlé. La plasticité qui caractérise ces spectacles adaptables aux conditions propres de la cour et de la ville permet à Molière de remplir l’office[...]
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Écrit par
- Claude BOURQUI : professeur de littérature française à l'université de Fribourg
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