MÔN
Dans l'histoire des civilisations de l'Asie du Sud-Est occidentale, la culture môn a joué un rôle important, parfois occulté, et qui peu à peu révèle son ampleur. Les Môn, en effet, ont diffusé là des traits culturels venus de l'Inde (langues sanskrite et pāli, écriture pallava, textes de divers courants du bouddhisme), notamment via le Bengale du Nord (techniques et représentations : sculptures, temples, mythes, histoire), tout en créant au passage certaines formes qui leur sont propres.
Ce peuple qui a bâti, à plusieurs reprises, aussi bien en Birmanie qu'en Thaïlande, des royaumes prospères et brillants n'est plus aujourd'hui qu'une minorité revendiquant son identité, malgré la fiction d'un État fédéré môn dans le cas birman. On évalue sa population, à la fin des années soixante-dix, à 1 million de personnes en Birmanie, de 60 000 à 100 000 en Thaïlande. Son emblème est une sorte de canard, qui représente le haṁsa brahmanique.
La langue môn fait partie de la famille des langues môn- khmer qui comprend, outre le khmer, neuf autres groupes de dialectes, dont les mots sont de même racine, et qui sont parlés par des ethnies habitant – ou ayant habité – les montagnes ou les plaines isolées, depuis l'Inde du Nord-Est jusqu'au sud de la Chine. Pour cette région du monde, les écritures môn et khmer sont parmi les plus anciennes.
Plus de mille ans d'histoire
Les spécialistes – anglais notamment – ont longtemps débattu de l'origine des peuples môn-khmer : venaient-ils de la vallée du Yangzijiang ? Constituaient-ils le fond de population de la péninsule ? Depuis une vingtaine d'années, les chercheurs ont délaissé cette question, issue de l'ethnologie, pour se consacrer, à partir de fouilles archéologiques minutieuses, à l'établissement de périodes précises de la fin de la préhistoire et de la proto-histoire. En témoigne le grand colloque de Londres de 1973 sur les « débuts de l'Asie du Sud-Est » qui a fait le point sur la question.
Après la disparition du (ou des) royaume(s) que les annales chinoises des royaumes Wu du Sud appelaient le Fu-nan, au centre de la péninsule, il est fait mention d'un royaume de Tun-sun (ce qui signifie « cinq cités » en proto-môn qui aurait été situé entre la mer d'Andaman et le golfe de Siam. D'autres annales du iiie siècle évoquent, pour le même endroit, des royaumes où s'échangeaient des marchandises d'Occident et d'Orient. Plus tard, les récits des voyageurs arabes relateront les mêmes faits. Mais cela n'a guère été confirmé archéologiquement jusqu'à présent.
Cependant, si l'on suit les sources chinoises, en général fiables, les premiers établissements môn connus, au nord de l'isthme malais, ont été un lieu d'échanges de biens matériels et immatériels entre l'Inde et, au-delà, l'Occident, d'une part, et le monde chinois, de l'autre. En effet, les royaumes môn successifs obéiront à cette vocation d'être à la fois les véhicules de traits culturels, bouddhiques généralement, et les conservateurs de ces derniers.
Vers les ve-vie siècles de notre ère sont apparues, dans le bassin inférieur de la Menam, des principautés, probablement alliées entre elles, qui produisirent une floraison de temples ornés, de sculptures illustrant des textes bouddhiques, notamment des avadāna, ou des épisodes de la vie du Bouddha, ou encore la doctrine. Les historiens de l'art et les archéologues se sont plu à désigner l'ensemble de cet art sous le terme de Dvāravatī, du nom d'un royaume (Nakorn Pathom ?) qui a duré de 589 à 689 de notre ère.
Cette brillante civilisation, dont on a retrouvé quelques épigraphes – les plus anciens en môn –, s'est prolongée jusqu'au xe siècle. Fondée sur la culture du riz[...]
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Écrit par
- Emmanuel GUILLON : docteur d'État, enseignant de môn à l'Institut national des langues et civilisations orientales
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