MON TRAVAIL, CE N'EST PAS MON TRAVAIL. PIERRE BERNARD, DESIGN POUR LE DOMAINE PUBLIC (H. Boekraad)
L'ouvrage Mon travail ce n'est pas mon travail. Pierre Bernard, design pour le domaine public (2007) a été écrit par le critique graphique Hugues Boekraad à la demande de la Fondation Praemium Erasmianum, à l'occasion de l'attribution du prix Érasme 2006 à Pierre Bernard. « Ce livre n'est pas une simple monographie sur un graphiste, mais sur la contribution d'un graphiste à la qualité du domaine public », prévient l'auteur. Son introduction étoffée tente de cerner le design, en théorie plus qu'en pratique, avant d'aborder le domaine d'intervention propre de Pierre Bernard, à savoir le domaine public. L'auteur propose notamment une analyse des dimensions tant symboliques que juridiques de ce champ d'intervention, soulignant notamment ses relations avec l'état de droit, et avec la loi. L'iconographie, extrêmement abondante, est organisée en six catégories couvrant les différents secteurs du domaine public abordé par Pierre Bernard : politique, social, culturel, patrimoine national, science, espace public. Les reproductions de 24 affiches forment l'introduction et la conclusion de l'ouvrage, assorties d'un commentaire descriptif et interprétatif précis et détaillé.
On retiendra ici deux aspects plus particulièrement significatifs du travail de Pierre Bernard, en premier lieu, la notion de travail collectif qu'il affirme avec ce titre paradoxal : « Mon travail ce n'est pas mon travail » ; en second lieu, la notion de domaine public puisque, en effet, en le choisissant comme champ d'intervention exclusif, il l'a pratiquement érigé en discipline.
Avec ce titre, « Mon travail ce n'est pas mon travail », Pierre Bernard s'explique, s'excuse presque de ce que le prix Érasme – et l'ouvrage qui l'accompagne – lui soit attribué à titre individuel, quand l'essentiel de son contenu est le fruit d'un travail de groupe qui s'est opéré non seulement au sein de Grapus et de l'Atelier de création graphique, mais également dans la relation avec les commanditaires. « Toutes les années Grapus (1970-1990), écrit-il dans la Préface, et à leur suite, les premières expériences de l'Atelier de création graphique (à partir de 1990) ont été des tentatives de travail collectif, affirmées et revendiquées avec fierté par chacun des participants comme une posture politique pour ne pas dire révolutionnaire. »
Pour le dire autrement, ce titre paradoxal invite à considérer Pierre Bernard comme un designer. En effet, tout designer, contrairement à l'artiste ou au « créateur », reconnaît implicitement une collaboration inhérente à son travail. La forme de l'objet est le résultat d'un processus et d'intentions, non de la conception individuelle du designer. Cependant, Hugues Boekraad complexifie encore le paradoxe en affirmant : « Il est bien entendu l'unique concepteur, mais il travaille presque toujours en équipe. » Si c'est exact, c'est peut-être ainsi que s'achève la carrière de designer de Pierre Bernard et que commence celle de créateur qui semble sous-jacente au nom que ce dernier choisit quand, en 1990, il quitte Grapus (créé en 1970 avec Gérard Paris-Clavel et François Miehe) pour fonder l'Atelier de création graphique avec deux graphistes hollandais, Fokke Draaijer et Dirk Behage.
Avec Grapus, Pierre Bernard s'est efforcé de faire coïncider travail et engagement politique en prenant soin de partager les valeurs des commanditaires qu'il choisit (PC, CGT, Secours populaire, GRAPE – Groupe de recherche et d'action pour l'enfance). Avec l'Atelier de création graphique, il élargit son champ d'intervention à la communication institutionnelle culturelle ou scientifique (Cité de la Villette à Paris, musée du Louvre, Centre Georges-Pompidou rénové, Parcs nationaux de France,[...]
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Écrit par
- Christine COLIN : experte en design à la direction générale de la création artistique, ministère de la Culture et de la Communication, service d'inspection de la création artistique
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