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MONACHISME

Le monachisme, fleur d'Orient et terreau d'Occident, appartient aux religions les plus diverses. Il prend des formes si variées, si différentes, parfois si incompatibles, qu'on doute à leur propos d'une identité d'inspiration.

Quoi de commun entre l'ermite, le reclus, qui se met en congé de société, et le postulant qui s'agrège à un groupe, obéit à une règle, a conscience de renaître dans une société transmuée (communauté des saints, des parfaits, des séparés, communauté des derniers temps) ou, plus modestement, de participer à une fraternité d'émulation, de soutien mutuel, de perfectionnement individuel et collectif ?

Quoi de commun entre l'errant hindou, le « sans-passion » démuni, dévêtu, vagabond, celui qui se veut sans feu ni lieu, qui oublie ses attaches et son nom, qui se perd dans la nation, qui efface tous ses repères avec la volonté opiniâtre de s'indéterminer, et le retiré du monde qui pense et qui vit son retrait comme une autre façon de se rattacher au monde (même la Thébaïde était un faux désert, un but de visites ; même l'hallucinante Cappadoce, lorsqu'elle ne se bornait pas à être refuge et protection, n'arrachait à la terre que des fiertés un peu ombrageuses, des indépendances soucieuses de raréfier les contacts, de les filtrer, de les choisir) ?

À plus forte raison doit-on distinguer des rares exemples de mysticisme asocial, de piété ou de recueillement solipsistes, les innombrables exemples d'adhésion à des foyers de culture, d'enseignement, de loisir contemplatif ou de travail actif, de faste liturgique ou de philanthropie charitable, de dévouement auprès des masses.

Mais là encore, que de formes, que de styles de vie en commun : moines bouddhiques (variantes multiples, du régime libéral des bonzes à la théocratie lamaïque), moines taoïstes, moines esséniens, moines chrétiens, eux-mêmes évangélistes, défricheurs, bâtisseurs, orants, savants, mendiants, pénitents, prêcheurs, missionnaires au loin..., sans parler des moines guerriers (qui ne furent pas l'exclusivité de l'Europe), des moines ligueurs, des moines sectateurs, et sans pouvoir évoquer d'un trait ferme, en l'absence de renseignements indiscutés, le comportement des Thérapeutes d'Égypte ou des adeptes, mi-religieux mi-philosophes, des chapelles orphiques, pythagoriciennes ou néo-pythagoriciennes.

À elle seule, d'ailleurs, l'explosion cénobitique, au ive siècle de notre ère, pose d'inextricables problèmes sur la finalité du monachisme d'institution. Elle semble liée, comme l'avaient pressenti certains cercles païens (parmi ceux-ci l'école de Plotin), à une conception aristocratique de l'otium, de l'état de vie non productif au sens socio-économique, mais surproductif du point de vue spirituel et, dans les meilleurs cas, du point de vue intellectuel. Cela implique, on le sait, une échelle d'estimation où les tâches serviles sont peu honorées (sans être discréditées ni négligées, dès les premiers essais monastiques).

Pourtant, transmis à l'Occident, cet idéal de désintéressement, de désœuvrement noble (trahi, bien sûr, par le moine-parasite, le moine-fugueur, et aussi le moine-à-tout-faire, à toute main, qu'utilisent les puissants) s'est changé en idéal d'animation humaine, de levain social, de diffusion du savoir, des arts, des techniques, au point de fonder, ou de contribuer à fonder, une civilisation.

Par où l'on devine qu'une société peut secrètement requérir, pour son équilibre et son progrès, l'apparente mise en marge d'une partie de ses membres.

Déjà, pour la conscience archaïque, c'était une évidence que la collectivité se sauve par la concentration du sacré dans des individus d'élite, et même par la recréation en eux de l'énergie universelle, par la[...]

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Écrit par

  • : professeur au Collège de France, chaire d'étude du bouddhisme
  • : professeur émérite de philosophie indienne à l'université de Paris-Sorbonne
  • : moine bénédictin, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (IVe section)
  • : professeur de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre
  • : ancien professeur au collège philosophique et théologique de Toulouse, co-directeur de la collection Études musulmanes, collaborateur de l'Encyclopédie l'Islam
  • : docteur ès lettres, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section)

Classification

Médias

Moines du mont Athos (Grèce), vers 1930 - crédits : Three Lions/ Hulton Archive/ Getty Images

Moines du mont Athos (Grèce), vers 1930

Bouddhisme népalais - crédits : hadynyah/ E+/ Getty Images

Bouddhisme népalais

Rituel bouddhique - crédits : Christophe Boisvieux/ The Image Bank/ Getty Images

Rituel bouddhique

Autres références

  • ABBAYE

    • Écrit par
    • 4 563 mots
    • 3 médias

    L'abbaye est un monastère gouverné par un abbé (lat. abbas, du syriaque abba = père), peuplé de moines ou de chanoines réguliers. (Les abbayes de moniales sont gouvernées par une abbesse.) Parmi les premiers, les trois familles essentielles sont actuellement celles des bénédictins...

  • ABBÉ

    • Écrit par
    • 1 197 mots

    Le mot abbé vient vraisemblablement du syriaque abba, signifiant père, où il traduisait le respect porté à un dignitaire de la société civile ou religieuse. Du syriaque le mot passa, vers le IIIe siècle, dans la langue du monachisme ancien de l'Orient chrétien.

    On est alors...

  • ABBON DE FLEURY saint (945-1004)

    • Écrit par
    • 323 mots

    Né dans l'Orléanais, Abbon, encore enfant, est offert par ses parents au monastère bénédictin de Fleury (aujourd'hui Saint-Benoît-sur-Loire) où il vient enseigner après avoir étudié à Paris et à Reims. Appelé à diriger l'école abbatiale de Ramsay (Yorkshire), il revient à Fleury pour en être bientôt...

  • AELRED DE RIEVAUX (1099 env.-1166)

    • Écrit par
    • 249 mots

    Moine et abbé cistercien, né à Hexham, Aelred (ou Ailred) vécut à la cour du roi David d'Écosse de 1124 à 1133, puis entra à l'abbaye de Rievaux ou Rievaulx (York), qui était une filiale de Clairvaux. Il devint abbé de Revesby (Lincolnshire), puis en 1146, de Rievaulx.

    Père et guide...

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