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MONADOLOGIE, Gottfried Wilhelm Leibniz Fiche de lecture

G.W. Leibniz - crédits : Photos.com/ Jupiterimages

G.W. Leibniz

G. W. Leibniz (1646-1716) n'a publié de son vivant qu'un seul ouvrage d'importance, la Théodicée (1710). La mort de Locke, en 1704, le dissuada de publier les Nouveaux Essais, en réponse à l'Essai sur l'entendement humain du philosophe anglais. Renommé dans toute l'Europe pour ses multiples interventions dans les débats savants, politiques et religieux, Leibniz offre avec la Monadologie, écrite à la fin de sa vie (1714) en français pour le prince Eugène de Savoie, ce qui peut être considéré comme le principal exposé des principes de sa philosophie.

Le système et l'harmonie

La Monadologie se présente comme le résumé du système de son auteur en quatre-vingt-dix alinéas d'une grande densité (et avec de multiples renvois à la Théodicée). Elle ne sera publiée qu'en 1840 (l'édition de référence n'étant fournie qu'à la fin du xixe siècle, par Émile Boutroux), mais connue par une traduction latine dès 1721. Quoiqu'elle n'affiche pas clairement de plan, il est habituel de la diviser en trois parties : sur les monades (paragr. 1-36) ; sur Dieu (paragr. 37-48) ; sur le monde (paragr. 49-90). Monade (du grec monas, « unité ») signifie « une substancesimple qui entre dans les composés ; simple, c'est-à-dire, sans parties » (paragr. 1). Le terme peut paraître synonyme de celui d'atome. Mais si Leibniz le lui a préféré – emprunté sans doute à Giordano Bruno, il s'impose à lui à partir de 1697 –, c'est que l'atome désigne plutôt un « point physique ». Pour Leibniz, l'étendue étant indéfiniment divisible, le simple ne peut être en réalité qu'un « point métaphysique » ou un « atome formel ». La Monadologie exprime donc une critique radicale du cartésianisme : il ne peut y avoir de science de la pure étendue (la physique de Descartes est erronée pour avoir éliminé la notion de force) ; la matière ne peut se comprendre que comme phénomène ; les apories morales du cartésianisme, liées au dualisme des substances (entraînant la séparation du corps et de l'esprit), trouvent leur solution dans la thèse de l'harmonie préétablie.

En tant que distinctes les unes des autres, les monades possèdent nécessairement des qualités propres. Elles ne peuvent qu'avoir en elles-mêmes les perceptions et appétits : aussi pourraient-elles être appelées « âmes », si le terme ne devait être réservé aux monades « dont la perception est plus distincte et accompagnée de mémoire » (paragr. 19). Le terme d'esprit (le propre de l'homme), lui, désigne l'« âme raisonnable », c'est-à-dire capable de connaissance. Tous nos raisonnements sont fondés sur deux principes : « celui de la contradiction » (paragr. 31) et « celui de la raison suffisante » (paragr. 32). La raison suffisante nous conduit à Dieu comme cause nécessaire : le monde ne peut trouver en lui-même, dans le détail des causes qui le constitue, sa raison d'être. Dieu se distingue à son tour de tout le reste, par sa perfection ; et toutes les monades sont des « fulgurations » (paragr. 47) de la divinité. Les relations entre elles ne se conçoivent qu'en tant qu'« influence idéale », préordonnée par Dieu. La « rencontre » entre ce que la science cartésienne nomme des corps, ou même entre le corps et l'âme, se fait « en vertu de l'harmonie préétablie entre toutes les substances » (c'est-à-dire les êtres individuels), chaque monade se trouvant le « miroir d'un univers indestructible », qu'elle « représente » ainsi en son entier (paragr. 77-78). Par leur capacité de connaître, les esprits sont de plus « des images de la Divinité même », chacun « comme une petite divinité dans son département » (paragr. 83). Aussi le leibnizianisme culmine-t-il dans l'idée d'une « société des esprits », sorte[...]

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