MONARCHIE
La monarchie absolue
Le terme de monarchie absolue peut être pris dans deux acceptions. Il peut avoir un sens compréhensif ou être considéré comme un terme spécifique. Dans le sens compréhensif, on désignera ainsi tous les régimes monarchiques dans lesquels le roi prétend gouverner sans limite et avoir tous les droits sur ses sujets, tend à assimiler sa volonté à la loi et, en fait, arrive à imposer plus ou moins complètement à ses sujets l'exclusivité d'un pouvoir politique central.
Un pouvoir politique centralisé
Une monarchie absolue est toujours centralisatrice. Elle conçoit la société comme un corps dont le monarque est la tête. Elle se donne comme volonté, non pas arbitraire mais réglée. Il ne doit y avoir dans le corps social qu'un seul centre de décision. Présenté généralement comme fondé sur une origine divine ou un décret divin, son absolu exprime non pas l'efficacité de ses moyens d'action ou la réalité d'un pouvoir illimité, mais une référence à l'absolu divin. La monarchie absolue tend bien entendu à s'exprimer dans les faits comme telle ; elle développe généralement, par conséquent, le système administratif et cherche un « quadrillage » de la société. À la limite, tout devrait aboutir au monarque, tout devrait en partir. Ce schéma recouvre un grand nombre de variétés. Sont absolues les monarchies égyptienne, chaldéenne, babylonienne, inca et aztèque, celles de Byzance, de la Chine dans certaines de ses périodes (Han, Ming). Mais il existe entre elles, bien sûr, de grandes diversités. Parfois, cette monarchie s'impose comme absolue en fonction d'une donnée techno-économique. C'est ainsi que l'on a pu démontrer que la monarchie égyptienne avait pris ce caractère en fonction de la nécessité d'organiser sur tout le cours de la vallée du Nil un système d'irrigation et d'utilisation du limon, uniforme et coordonné. Cela vaut pour d'autres pays tributaires d'un réseau complexe d'irrigation.
Au contraire, Byzance est monarchie absolue exclusivement en fonction de la participation de l'empereur à la divinité du Fils de Dieu. Mais une trop grande étendue de territoire, comme en Perse ou le plus souvent en Chine, une très grande diversité de régimes institutionnels, dans l'Empire autrichien par exemple, une contradiction entre un passé prestigieux et un présent que l'on refuse, comme dans l'Empire romain germanique, empêchent l'établissement effectif d'une monarchie absolue. Pour que celle-ci existe, il faut qu'il y ait non seulement les prétentions du monarque, mais aussi des moyens d'action effectifs et une certaine homogénéité du corps social sur quoi s'exerce le pouvoir. Le Saint Empire romain germanique continue, théoriquement, à maintenir les prétentions anciennes de sainteté, d'universalité, de continuité, alors que l'empereur n'a plus qu'un pouvoir fictif et s'exerçant seulement sur des territoires où se maintient une « anarchie résiduelle ».
Mais, d'autre part, il n'est pas nécessaire que l'homogénéité du corps social soit donnée d'avance : il suffit que la société soit susceptible d'être unifiée. Un des résultats de la monarchie absolue est précisément de produire cette homogénéité, ainsi l'Empire inca, la Chine, durant les périodes de réussite, et, bien entendu, la France.
La France et l'Espagne du XVIe au XVIIIe siècle
Au sens spécifique, le terme « monarchie absolue » est généralement employé pour désigner les monarchies occidentales entre le xvie et le xviiie siècle, et spécialement l'espagnole et la française. La monarchie absolue implique la récusation de la validité de tout autre pouvoir politique, l'identification, théorique, de la volonté royale avec la loi, la relation personnelle et directe[...]
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Écrit par
- Jacques ELLUL : professeur émérite à l'université de Bordeaux-I, membre de l'Académie de Bordeaux
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