MONARCHIE
La monarchie constitutionnelle
Le régime constitutionnel de la monarchie ne concerne qu'un petit nombre de cas, et pour une durée relativement brève. Il était « par nature », si l'on peut dire, transitoire. En effet, il reposait sur des éléments contradictoires.
La nation souveraine
Comment se posait le problème ? Le monarque ne peut se concevoir que comme souverain. Il y avait d'ailleurs normalement confusion entre les termes, et le mot de souverain avait servi au roi pour combattre les grands féodaux qui ne pouvaient se prétendre souverains et pour affirmer la spécificité du monarque en face de tous les autres pouvoirs. Souverain qualifiait la situation de celui qui ne dépendait de personne. Ainsi, le roi de France s'était affirmé également souverain en face de l'empereur du Saint Empire. Mais les petits princes qui étaient arrivés à ne dépendre de personne étaient eux aussi qualifiés de souverains ; ainsi le prince de Bidache était-il souverain. Et, réciproquement, il apparaissait que le souverain ne pouvait être qu'un monarque. Il y avait ainsi bien des difficultés d'interprétation pour la qualification politique des républiques oligarchiques, comme celles de Venise ou des Pays-Bas. Assurément, au point de vue doctrinal, on pouvait distinguer le prince et le souverain. Saint Thomas d'Aquin en avait élaboré toute la construction. Mais, en fait, cela paraissait presque incompréhensible. Qu'allait-il dès lors arriver si l'on était résolu à formuler et à appliquer une tout autre doctrine de la souveraineté, bien moins centrée sur la concentration et l'indépendance du pouvoir que sur la source de ce pouvoir et dissociant radicalement le monarque et le souverain ? Comment pourrait-on concilier l'acceptation, le maintien de la monarchie et l'affirmation que le souverain était un autre que le roi ? Tel est le problème auquel la construction de la monarchie constitutionnelle a tenté de répondre.
Il s'agissait d'expliquer comment le système monarchique pouvait fonctionner avec un roi non souverain placé en face, explicitement ou implicitement, d'une souveraineté nationale. La source du pouvoir du roi, sa légitimité ne dérivent plus ni d'une relation spécifique avec Dieu ni d'une organisation intrinsèque de la monarchie (hérédité). Le roi n'existe en tant que tel que par la volonté, la décision du peuple. Cela se manifeste dans le fait « constitution ».
Auparavant, le roi était soumis à des règles, aux lois fondamentales de la monarchie, établies à titre coutumier, mais dont l'origine était souvent une décision (réelle ou hypothétique) d'un roi, qui avait ensuite été réitérée, puis assurée par le temps. C'est la coutume de la monarchie qui faisait la loi pour le roi. Avec le système constitutionnel, on assiste à un triple changement : la règle constitutionnelle est maintenant établie par la nation, selon des formes variées, mais exprimant toujours une « volonté » extérieure à celle du roi. Cette règle constitutionnelle est exprimée dans un texte ; c'est-à-dire qu'elle est une œuvre volontaire, consciente, explicite. Elle n'est pas livrée aux hasards de l'histoire et de l'usage. Enfin, la constitution tend à être rationnelle, c'est-à-dire que l'on essaie de donner au pouvoir un fondement raisonné, on essaie de formuler des règles claires et dictées par la raison, on essaie de réglementer, de prévoir toutes les questions qui pourraient se poser et de construire un système cohérent satisfaisant au point de vue rationnel : telle est la construction opposée aux lois fondamentales.
De façon explicite ou non, on peut dire que le système de la monarchie constitutionnelle repose sur les éléments suivants. La nation est considérée comme un corps d'associés vivant sous une loi commune. Le roi fait[...]
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Écrit par
- Jacques ELLUL : professeur émérite à l'université de Bordeaux-I, membre de l'Académie de Bordeaux
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