MONDE
Le terme de monde est utilisé dans des contextes très divers pour indiquer, d'une manière ou de l'autre, une totalité d'appartenance. Ainsi on parle du « monde grec » ou du « monde de la Renaissance », pour désigner des ensembles culturels spécifiques, situés dans notre passé historique et auxquels nous avons accès à travers un certain nombre d'œuvres qui sont venues jusqu'à nous. C'est en un sens fort voisin qu'on utilise des expressions telles que « le monde des mathématiques » ou « le monde de la musique ». Ici aussi il s'agit de totalités culturelles. Mais, au lieu de considérer l'ensemble des manifestations culturelles propres à une époque, on considère l'ensemble des démarches et des objets qui peuvent être rassemblés sous une même idée directrice, par exemple celle des mathématiques ou de la musique. On recourt aussi au terme monde pour désigner une catégorie d'objets qui ont un mode d'être caractéristique. C'est en ce sens que ce terme est utilisé dans des expressions telles que « le monde des oiseaux » ou « le monde des particules élémentaires ». Enfin, on donne au terme monde un sens tout à fait général, lorsqu'on l'emploie pour désigner soit l'ensemble de la nature, soit même l'ensemble de la réalité.
Ce qui est remarquable, c'est que, dans chacune de ses significations particulières, le terme de monde vise non pas une simple somme (d'objets, de propriétés, de comportements) mais un ordre de coappartenance. Il exprime donc un mode de compréhension unificateur, qui ne s'arrête pas à la particularité de ce qui est donné, ni aux caractères communs, dans ce qu'ils peuvent avoir de déterminé, ni même aux connexions singulières dans ce qu'elles ont de spécifique, mais qui ramasse pour ainsi dire tous les aspects particuliers dans le principe qui les lie tous les uns avec les autres au sein d'un même milieu englobant. Cela indique qu'il y a, dans les divers usages du terme de monde, un noyau de signification commun qui doit pouvoir être exprimé dans un concept approprié.
La phénoménologie a montré que le rapport à un monde est constitutif de l'existence humaine. En s'efforçant d'expliciter ce rapport, elle a forgé un concept de monde qui peut être considéré comme fondamental, en ce sens qu'il exprime la structure essentielle visée plus ou moins confusément dans les différents contextes où le langage ordinaire fait figurer le terme de monde. Le concept phénoménologique de monde se rapporte à l'expérience en tant que telle, considérée dans ses articulations constitutives, abstraction faite des interprétations dans lesquelles elle tente de se dire et de se comprendre elle-même (soit au niveau de l'attitude naturelle, soit au niveau du discours scientifique). Il appartient à l'élucidation de ce qui précède toute thématisation, de ce qui est toujours déjà exercé dans toute forme de comportement ou de catégorisation. Il a donc pour fonction de faire apparaître dans la pensée réfléchie un aspect essentiel de l'expérience préréfléchie, ou encore de la structure préréflexive de l'existant humain.
Mais la problématique du monde ne s'épuise nullement dans ce type d'analyse. La science de la nature utilise à sa manière un schème de totalisation dans lequel on retrouve, mais cette fois au niveau d'une conceptualisation scientifique, la problématique de totalisation qui était apparue au niveau du préréfléchi. Et, enfin, la réflexion philosophique sur la nature reprend cette même problématique dans l'horizon de la question du fondement. Il faut donc examiner le rôle de la notion de monde à ces trois niveaux.
Le monde de l'expérience préréfléchie
L'examen du comportement animal conduit tout naturellement à la notion[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean LADRIÈRE : professeur émérite à l'université catholique de Louvain (Belgique)
Classification
Autres références
-
BRUNO GIORDANO (1548-1600)
- Écrit par Jean SEIDENGART
- 5 291 mots
.... Certes, Copernic était resté attaché au finitisme cosmologique, même si son système héliocentrique avait agrandi considérablement les dimensions du monde. Ce que Bruno retient de lui, c'est essentiellement sa réduction de l'illusion géocentrique et géostatique. Or Copernic s'était appuyé... -
ÉMOTION (notions de base)
- Écrit par Philippe GRANAROLO
- 3 349 mots
...supprimer le réel et par là de résoudre, même si cette solution n’est que fantasmatique, le problème qui lui est posé. « La conscience émotionnelle est d’abord consciencedu monde », affirme Sartre, et l’émotion est « une transformation du monde ». « Dans l’émotion, c’est le corps qui, dirigé par la conscience,... -
DE LA NATURE, Lucrèce - Fiche de lecture
- Écrit par Francis WYBRANDS
- 807 mots
- 1 média
Les deux derniers livres décrivent la genèse du monde et l'histoire de l'humanité. Si le monde a un commencement, il aura une fin. Et c'est vain anthropomorphisme que de croire que toutes choses ont été créées pour nous. Le monde est destiné à passer. L'inéluctabilité de sa fin est attestée non seulement... -
DUALISME
- Écrit par Simone PÉTREMENT
- 6 163 mots
Le nom de dualisme est donné à des doctrines suivant lesquelles on ne peut expliquer les choses en général, ou certaines catégories de faits, qu'en supposant l'existence de deux principes premiers et irréductibles. On distingue souvent le dualisme cosmologique, qui consiste à penser...
- Afficher les 16 références