ÉGÉEN MONDE
L'archéologie du monde égéen est de création récente. Elle est née entre 1870 et 1880 avec les célèbres fouilles de Schliemann sur les sites de Troie et de Mycènes. D'un seul coup, les héros d'Homère acquéraient une dimension historique : Agamemnon, Priam, Ulysse avaient existé au sein d'une brillante civilisation dont les archéologues lentement exhumaient les vestiges. Que Schliemann ait pris ses désirs pour la réalité importe assez peu ; un monde nouveau qui avait préexisté dans l'Égée au miracle grec se découvrait aux regards éblouis.
On ne saurait dire combien l'éclat de l'hellénisme a nui aux études que l'on a longtemps appelées préhelléniques. Malgré les découvertes de Schliemann sur le continent, malgré celles d'Evans en Crète, malgré les trouvailles faites dans les Cyclades, l'Égée restait pour beaucoup le berceau du seul classicisme grec et la Grèce uniquement la patrie de Phidias et de Périclès. Auparavant, le pays n'avait été habité, pensait-on, que par des populations barbares, par des hommes dont le goût ne correspondait guère aux canons du classicisme.
Les progrès de la science sont souvent déconcertants ; au moment même où la Grèce du IIe millénaire s'hellénisait aux yeux des historiens, le monde égéen devenait une province de l'art oriental. Il a fallu le déchiffrement, en 1953, d'une écriture employée en Crète et sur le continent pour que les Mycéniens fussent définitivement considérés comme des Grecs parlant et écrivant une langue de forme archaïque ; seuls quelques savants avaient jusqu'alors placé au début du IIe millénaire l'entrée des premières populations grecques dans la péninsule balkanique. Parallèlement, chaque civilisation de l'Égée apparaissait plus nettement tributaire de l'Orient. La mer, au lieu de dresser un obstacle périlleux entre l'Asie et l'Europe, a, dès une très haute antiquité, servi de lien entre elles ; les terres qui la bordent et les îles qui la peuplent ont joué le rôle d'un creuset où sont concentrées et mêlées les influences venues de l'Est.
Cependant l'originalité profonde de ces civilisations égéennes n'en est pas moins évidente. Chaque région a, tour à tour, fixé les grands courants culturels et servi de centre de création et de diffusion : d'abord la Grèce du Nord dès l'époque néolithique, puis les Cyclades, en contact direct avec l'Asie Mineure, au moment où la métallurgie prend son essor, et, quelques siècles plus tard, la Crète qui recueille les influences venues de tous les rivages de la Méditerranée orientale, la Grèce du Centre et du Sud enfin où naît la civilisation mycénienne, qui réalise la première unification politique, économique et artistique du monde de l'Égée.
Que l'hellénisme plonge profondément ses racines dans le passé égéen est un fait qu'on ne conteste pas aujourd'hui. Il n'est plus possible de penser, comme on le faisait il y a quelques années encore, que la civilisation est née en Grèce avec l'invention de l'alphabet et que les premiers balbutiements de l'art s'y incarnent, au début du Ier millénaire, dans les créations du style géométrique.
Aperçu géographique
Il suffit de jeter les yeux sur une carte de la Méditerranée orientale pour s'apercevoir que le monde égéen est une des régions les plus morcelées qui soient. La mer Égée, qui en forme le centre, est parsemée d'une poussière d'îles plus ou moins organisées en archipels : vers le nord, au large de l'Eubée, les Sporades ; vers le sud, les Cyclades groupées autour de la petite île de Délos ; enfin, vers l'est, près de la côte d'Asie Mineure, le Dodécanèse. D'autres îles encore ne s'agrègent à aucun ensemble et restent isolées : Samos[...]
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Écrit par
- Olivier PELON : maître de conférences d'archéologie du Proche-Orient à l'université de Lyon-II
Classification
Médias
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