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MONDIALISATION (sociologie)

Le terme mondialisation (globalization en anglais) s’est imposé pour désigner une interconnexion croissante à l’échelle mondiale : les personnes, les institutions, les lieux et, plus généralement, les sociétés seraient de plus en plus reliés par-delà les frontières nationales, du fait de l’accroissement des mouvements des capitaux, des productions et des hommes. Le terme vise à rendre compte à la fois d’un état – le monde serait l’échelle pertinente pour saisir les phénomènes sociaux – et d’un changement social – un processus toujours en cours, une tendance. Cette définition très générale ne va pas sans poser problème, de nombreux débats entourant aussi bien le terme que le phénomène. La façon dont a émergé, à la fin des années 1990, un mouvement « antimondialisation », rapidement renommé « altermondialiste », en témoigne. Cette oscillation entre rejet et réappropriation est typique de l’histoire d’une notion qui a traversé l’économie et les sciences sociales, en passant par le monde des affaires. Le caractère clivant de la mondialisation n’est d’ailleurs pas pour rien dans le succès de ce terme : son usage n’est jamais innocent et marque toujours des choix théoriques et/ou politiques.

Un terme problématique

Le terme « mondialisation » se diffuse dans les années 1980 à la suite de l’article de Ted Levitt « The Globalization of Markets », paru dans Harvard Business Review en 1983, qui prédit l’avènement d’un marché global supplantant les marchés nationaux. L’expression séduit rapidement le monde des affaires : les entreprises deviennent soucieuses de se présenter comme « globales », avec des slogans tels que « Le monde est notre audience » (Time Warner) ou « Votre banque partout dans le monde » (H.S.B.C.). La dérégulation financière et la chute de l’U.R.S.S. favorisent également la diffusion de ce terme : la mondialisation s’identifie alors à l’expansion planétaire d’un capitalisme triomphant. Le terme permet aux « globalistes », tenants d’un certain néo-libéralisme, de décrire un nouveau contexte qui s’imposerait à tous, et particulièrement aux États, sommés de s’adapter. C’est au nom de la mondialisation que nombre de réformes ont été conduites ou que les entreprises justifient leurs délocalisations.

La sociologie ne pouvait se réapproprier le terme qu’au prix d’un important travail de reformulation. Les années 1980 et 1990 vont connaître un vif débat entre « globalistes » et « sceptiques », lesquels relativisent l’importance et même la nature des transformations. On peut identifier trois grands points d’achoppement, c’est-à-dire autant de problèmes que pose la notion et avec lesquels la sociologie doit composer.

Le premier axe de débat porte sur la réalité même du phénomène : assiste-t-on réellement à un dépassement de l’échelle nationale et à une unification des sociétés à l’échelle du monde ? De nombreux chercheurs ont pu, comme Neil Fligstein, décrire la mondialisation comme une « rhétorique » : elle servirait à mettre l’accent sur le rôle des marchés, le pouvoir des actionnaires et la responsabilité individuelle au détriment de l’action gouvernementale et des protections sociales. Ainsi, il importe de bien distinguer entre la réalité et les discours, d’étudier les rapports parfois complexes qu’ils entretiennent, et surtout d’identifier par qui sont portés ces discours et de comprendre pour quelles raisons ils sont énoncés.

Un deuxième axe de débat découle directement du précédent : la mondialisation est-elle nouvelle ? Constitue-t-elle vraiment une rupture historique ? Les échanges mondiaux, les multinationales, et même les marchés globaux ont existé bien avant la fin du xxe siècle. Suzanne Berger identifie une « première mondialisation » à la fin du xixe siècle. On peut remonter[...]

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Écrit par

  • : doctorant en sociologie au Centre de sociologie des organisations (C.S.O.), agrégé de sciences économiques et sociales

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