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MONDIALISATION Globalisation financière

Crises financières : la responsabilité partagée des gouvernements et des marchés

Le fait que, chaque jour, les marchés financiers transfèrent d'un endroit à un autre du monde des milliards de dollars à un coût de transaction infime n'implique pas que ces marchés soient parfaits au sens économique du terme. Il est un cliché répandu selon lequel les économistes seraient aveugles, pour des raisons idéologiques, aux défaillances des marchés. Dans le cas des marchés financiers, cela reflète très mal la réalité des travaux de recherches : depuis les années 1970, que ce soit aux États-Unis ou en Europe, les économistes ont intégré dans leurs modèles des hypothèses telles que l'asymétrie d'information, les situations de concurrence imparfaite, les anticipations quasi rationnelles, les phénomènes de panique et de mimétisme, etc.

La prise de risque excessive

L' asymétrie d'information est une caractéristique essentielle des marchés financiers. En général, les emprunteurs ont davantage d'information que les prêteurs sur la valeur et le risque de leurs projets. Ils peuvent de ce fait être incités à choisir des investissements excessivement risqués : si le pari sur l'investissement est réussi, c'est l'emprunteur qui gagnera beaucoup ; si l'investissement ne réussit pas, c'est le prêteur qui perdra beaucoup. Ce phénomène dit d'« aléa moral » peut expliquer les prises de risques excessives, les crises répétées, ainsi que la volatilité des cours sur les marchés financiers.

Grâce à une brusque libéralisation des mouvements de capitaux dans les années 1990, les investissements des pays émergents pouvaient être financés en dollars sur les marchés de capitaux internationaux à des taux d'intérêt (et donc à un coût) bien inférieurs aux taux nationaux. Les banques locales, principales récipiendaires de ces capitaux étrangers, se sont alors laissées emporter dans une vague d'emballement du crédit, sélectionnant peu les projets financés. Du côté des investisseurs, le taux de change fixe entre les devises de ces pays et le dollar faisait croire que leur prêt en dollars était sans risque. D'où très peu de vigilance de part et d'autre.

De plus, la globalisation financière des années 1990 dans les pays émergents reposait sur l'hypothèse qu'en s'ouvrant aux capitaux étrangers, les marchés émergents « importeraient » aussi les règles de conduite des institutions financières des pays développés et réduiraient leurs propres travers. Or les dispositifs de contrôle prudentiel dans ces pays n'ont pas été renforcés. Pis, des garanties furent offertes à quelques individus, proches du pouvoir, sur des investissements financiers au rendement douteux au moment même où le coût de financement de ces investissements diminuait du fait de la globalisation. Le phénomène d'aléa moral joua donc à plein puisque le risque d'investissement était socialisé ou transféré vers l'État.

Cela étant, les déboires de la « nouvelle économie » à l'entrée des années 2000 et d'un certain nombre de grandes entreprises des pays industrialisés, et, plus emblématique encore, la crise des subprimes (crédits hypothécaires à haut risque) qui a débuté aux États-Unis à l'été de 2007 avant de créer une grave crise de liquidité étendue à l'Europe, ont montré que ce phénomène de prise de risque excessive n'était pas l'apanage des pays émergents.

La catalyse de la crise

Dans le cas de la Thaïlande, la globalisation financière a facilité une prise de risque et un endettement en dollars à très court terme qui se sont révélés désastreux au moment de la crise. Le cocktail mêlant ouverture aux marchés de capitaux, endettement bon marché à l'étranger et socialisation des risques, avant d'aboutir à la crise, a un[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
  • : professeur émérite d'économie, université Sorbonne Paris nord

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Média

Valéry Giscard d'Estaing et Helmut Schmidt, 1978 - crédits : Bettmann/ Getty Images

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