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MONDIALISATION Globalisation financière

La fragilité intrinsèque d'une finance globalisée

Dans le cadre de cette première interprétation de la crise, dite « fondamentale », la globalisation financière ne fait que révéler, voire amplifier des problèmes fondamentaux sous-jacents : un système financier insuffisamment réglementé, des garanties sur les investissements risqués, voire du népotisme et de la corruption. Une autre interprétation est cependant possible, qui met en cause plus radicalement le fonctionnement des marchés financiers internationaux. Elle tient à l'existence d'un phénomène propre à la finance qu'on appelle les anticipations auto-réalisatrices.

Les anticipations auto-réalisatrices

Les anticipations sont dites auto-réalisatrices lorsque les actions des agents, fondées sur l'anticipation d'un événement spécifique, sont suffisantes pour engendrer l'événement lui-même. En physique, ce type de processus est impossible : un pont ne peut pas s'effondrer simplement parce que l'on croit qu'il va s'effondrer. En économie, en revanche, la croyance qu'une crise peut survenir peut engendrer la crise, validant ainsi a posteriori l'anticipation. La possibilité d'anticipations auto-réalisatrices est passée du statut de curiosité intellectuelle, au début des années 1970, à celui, à la fin des années 1990, d'une théorie acceptée par de nombreux économistes, si ce n'est la majorité.

De manière très schématique, le mécanisme d'une crise induite par des anticipations auto-réalisatrices repose toujours sur un processus circulaire, dont la nature peut être différente selon la crise. Reprenons d'abord l'exemple de la crise asiatique de 1997. La possibilité d'une dévaluation de la devise, en diminuant la valeur des actifs des entreprises et en augmentant la valeur de la dette en dollars de ces pays, réduisait les capacités d'investissement du pays. En effet, les emprunts que peuvent faire les entreprises dépendent non seulement du rendement anticipé des projets qu'elles veulent financer, mais aussi de la valeur des garanties, ce qu'on appelle le collatéral, qu'elles peuvent offrir pour le remboursement de l'emprunt au cas où l'investissement tourne mal. Si les marchés financiers anticipent une dévaluation, ils anticipent donc une forte baisse de la valeur nette de ce collatéral, puisqu'ils anticipent une forte augmentation de la dette. Ce mécanisme est renforcé par l'effondrement des prix des actifs en monnaie locale. L'investissement s'effondre alors, ce qui plonge ces pays dans la récession, fait fuir les capitaux et fait effectivement chuter la devise. Ce processus auto-réalisateur peut être résumé par les enchaînements suivants :

Anticipation de dévaluation ⇒ Augmentation de la dette anticipée des entreprises ⇒ baisse des emprunts des entreprises ⇒ baisse de l'investissement et récession ⇒ dévaluation

C'est bien le changement d'anticipation des marchés qui déclenche la panique et la crise, et non pas une modification fondamentale de la situation économique. Les marchés financiers « imposent » leur décision au gouvernement. Supposons maintenant que les marchés n'aient pas anticipé de dévaluation. Dans ce cas, la dette anticipée des entreprises n'aurait pas augmenté, l'investissement n'aurait pas chuté et la crise n'aurait pas eu lieu. On est en présence de ce que les économistes appellent une situation d'équilibres multiples où le choix de l'un ou l'autre des deux scénarios ou équilibres possibles (crise ou non-crise) dépend entièrement des anticipations des agents sur les marchés financiers. Sur le plan théorique, ce mécanisme de causalité circulaire a une filiation claire avec l'analogie de Keynes dans la Théorie générale entre le fonctionnement des[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
  • : professeur émérite d'économie, université Sorbonne Paris nord

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Média

Valéry Giscard d'Estaing et Helmut Schmidt, 1978 - crédits : Bettmann/ Getty Images

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