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MONDIALISATION Pour une régulation économique internationale

Au cours des deux dernières décennies du xxe siècle, les interdépendances se sont approfondies de manière inégale entre les pays et les régions du monde. Les échanges commerciaux se sont intensifiés, les firmes multinationales se sont déployées par les investissements directs à l'étranger et les différentes formes de partenariat, la mobilité des capitaux a entraîné l'intégration financière. Ces interdépendances ne posent pas seulement des problèmes accrus de coresponsabilité des politiques économiques. Des préoccupations d'intérêt commun ont surgi ou se sont affirmées. Elles s'analysent comme des biens publics globaux qui ne sont pas (ou mal) assumés par les principes existants de la régulation internationale. Il s'agit du respect de la dignité des personnes humaines face aux famines, à l'exploitation dans le travail, aux manipulations génétiques. Il s'agit aussi de la menace des risques globaux dans l'environnement et dans la finance. Il s'agit enfin de la criminalité internationale.

Tous ces phénomènes sont regroupés sous le terme générique de mondialisation, mot attrape-tout qui masque l'extrême hétérogénéité des niveaux de développement, des situations financières et des structures sociales entre les pays. Certes les mutations sont suffisamment fortes pour rendre caduc le système de coopération internationale instauré à Bretton-Woods. Ce système d'assistance mutuelle est dépassé parce qu'il fonctionnait entre un petit nombre de pays aux niveaux de développement similaires. Il maîtrisait l'étendue et l'intensité des interdépendances grâce au contrôle des capitaux et à des négociations commerciales limitées aux produits industriels. La montée en puissance de grands pays industrialisés hors de l'Organisation de coopération et de développement économiques (O.C.D.E.), l'influence des pouvoirs privés et la globalisation financière appellent une autre doctrine et d'autres méthodes de coopération. Sur ce terrain, le libéralisme économique s'est doté de principes politiques au début des années 1990. Ils ont été exprimés dans le consensus de Washington, modèle de développement devenu une orthodoxie en explicitant des politiques que tous les pays étaient censés suivre uniformément : rigueur budgétaire, diminutions des subventions, réforme fiscale en faveur du capital, libéralisation financière, taux de change compétitifs, privatisation, déréglementation, garantie des droits de propriété.

Ce plaidoyer pour un capitalisme débridé a l'avantage de s'appuyer sur l'un des plus puissants résultats de la théorie économique : la loi des avantages comparatifs. L'ouverture internationale est un approfondissement de la division du travail qui équivaut au progrès technique. Ce sont potentiellement des jeux à somme positive qui peuvent être bénéfiques à tous les participants. Mais les changements de structure qui en résultent posent des problèmes de répartition et de stabilité dynamique considérables. Or, en postulant que l'évolution économique conduit spontanément à l'homogénéisation du monde et que les mécanismes de marché sont toujours et partout efficaces, le libéralisme économique fait une erreur cardinale.

Le capitalisme ne peut promouvoir le développement que dans des économies mixtes, où la démocratie politique énonce et fait respecter des principes de gouvernance que les agents économiques sont tenus de suivre. L'intensification des interdépendances et l'exigence des biens publics globaux impliquent une plus grande coopération politique entre les États et une meilleure efficacité des institutions internationales, certainement pas l'avènement du laissez-faire pour faire le lit de purs mécanismes de marché. C'est cette rénovation des rapports internationaux, prenant en compte les préoccupations[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-X-Nanterre, C.E.P.I.I.

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