MONDIALISATION Pour une régulation économique internationale
Principes généraux de la régulation internationale
Dans son rapport no 37 intitulé « Gouvernance mondiale : une approche économique », le Conseil d'analyse économique français s'est penché sur les principes d'une gouvernance mondiale rénovée. Ce rapport se limite toutefois à des questions de méthodes, de procédures et d'institutions. Il fait l'impasse sur l'essentiel, le contenu de la régulation qui résulte des problèmes repérés plus haut, notamment dans le domaine financier. Les thèmes généraux doivent toutefois être esquissés avant d'évoquer les questions institutionnelles.
Approfondir l'économie mixte
Le xxe siècle a été celui de l'essor des sociétés salariales dans un groupe limité de pays. Dans ce régime de croissance, où l'accumulation du capital dépend de manière cruciale de la demande sociale du plus grand nombre de citoyens salariés, le capitalisme n'est légitime, donc viable, que s'il est combiné avec des éléments de socialisme incorporés dans la production des facteurs collectifs de la croissance. Il y a donc des économies mixtes qui, dans les pays occidentaux, ont pris la forme de l'État de la protection sociale, des services publics et de la redistribution du revenu. Parce que cette régulation reposait sur une intégration internationale limitée, elle a été affaiblie par la mondialisation. Il n'en demeure pas moins que l'enjeu à long terme de la mondialisation est la généralisation de la société salariale. C'est du moins la perspective du développement de la plus grande partie de l'humanité dans les pays dont les ressources humaines vont croître au xxie siècle. La mondialisation ne sera légitime que si elle renforce le développement. L'économie mixte doit être réformée dans cette perspective. Mais le sens profond de l'économie mixte demeure inchangé : rendre le capitalisme légitime en le contraignant à faire progresser la société. Cela n'est possible que si la démocratie politique impose aux intérêts capitalistes des contraintes collectives qui prolongent celles de la concurrence lorsque celle-ci est défaillante. La multiplication des externalités et l'émergence des biens collectifs globaux montrent que ces contraintes collectives sont indispensables. Mais jusqu'ici les intérêts capitalistes dominants, de par le poids des grandes firmes et la capacité à déplacer les capitaux, ont utilisé les degrés de liberté de la globalisation pour tordre les politiques économiques à leur avantage. Que l'on pense au protectionnisme agricole des pays riches, à leur gigantesque gaspillage des ressources naturelles, à la confiscation de la connaissance scientifique par la protection de la propriété intellectuelle, à la protection spéciale dont bénéficient de grandes banques internationales contre les conséquences de leurs imprudences dans le crédit.
Si l'on admet cette logique, la priorité absolue de la régulation du capitalisme au xxie siècle consiste à faire reculer la pauvreté dans le Tiers Monde. Cela passe à la fois par des marchés qui fonctionnent mieux et par des politiques de transferts et de dépenses publiques plus audacieuses et mieux orientées. Les gouvernements occidentaux doivent ouvrir complètement leurs frontières aux exportations agricoles et de produits transformés des pays du Tiers Monde. Ils doivent utiliser les gains tirés de l'échange ainsi élargi pour reconvertir et compenser les pertes de revenus des travailleurs déplacés par la concurrence accrue des pays pauvres. Ils doivent augmenter sensiblement leur aide budgétaire aux pays pauvres, en transformant les mécanismes de l'allocation afin que les ressources financières de cette aide ne soit pas dissipées dans la bureaucratie étatique de pays non démocratiques, mais puissent atteindre les populations concernées. L'amélioration de la santé,[...]
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Écrit par
- Michel AGLIETTA : professeur à l'université de Paris-X-Nanterre, C.E.P.I.I.
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