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MONDIALISATION (sociologie)

La mondialisation au-delà de l’économie

La sociologie explore ainsi les différentes dimensions de la mondialisation, au-delà de la seule intégration économique. La plupart des approches reprennent l’idée, sans toujours la nommer, de la mondialisation comme un fait social total, affectant l’ensemble des dimensions de la vie sociale. C’est d’abord dans le domaine culturel que les questions et les recherches ont été les plus nombreuses, l’anthropologie occupant une place centrale. Pour Marc Abélès, la « dimension culturelle est au centre du processus [de mondialisation], de par la place que prend aujourd’hui l’imaginaire de la globalisation ». Penser une culture comme un bloc fermé sur lui-même n’est plus possible. Les débats ont porté sur les effets de la globalisation, entre impérialisme culturel et réappropriations locales. Ce n’est pas parce que le monde entier regarde les films hollywoodiens qu’on y donne partout le même sens. Il y a en fait une tension entre des mouvements d’homogénéisation culturelle et de réinvention des cultures locales, par la réappropriation ou la résistance. C’est ce nouveau contexte qu’analyse notamment Arjun Appadurai : les imaginaires tant individuels que collectifs sont travaillés par les flux globaux, chacun se fabriquant une identité à partir d’éléments à la fois locaux et globaux.

Ces transformations culturelles posent la question du rôle des États. La thèse de la disparition de l’État a été en faveur dans les années 1990. Le tableau est pourtant plus nuancé : on assiste plutôt à une recomposition de son rôle. Comme l’analyse Saskia Sassen, ce sont les États qui ont autorisé la mondialisation, en ouvrant leurs frontières, en libéralisant les marchés financiers ou en transférant certaines de leurs prérogatives (aux banques centrales, par exemple). Ils demeurent cependant des acteurs centraux. Reprenant les analyses de Charles Tilly, Saskia Sassen rappelle que l’État-nation n’est qu’une forme historique et particulière de l’État, où celui-ci s’attache à un territoire. Les États deviendraient ainsi de plus en plus des producteurs de normes et des représentants de l’autorité détachés des territoires.

La conséquence est que l’État-nation cesse d’être le cadre évident de la société. La stratification sociale a notamment longtemps été appréhendée au sein des frontières étatiques. Pourtant, les classes et les groupes sociaux ne se définissent plus seulement à cette échelle. De nombreux chercheurs se sont par exemple intéressés aux « élites mondiales », à une « classe capitaliste transnationale » (Leslie Sklair). Pour le sociologue Zygmunt Bauman, la mobilité deviendrait le principal critère de stratification, opposant des classes dominantes détachées de tout territoire à des classes populaires enfermées dans le « local ». La mondialisation se traduit par une plus grande valeur accordée à certaines ressources – connaissance des langues étrangères, habitude des voyages, etc. – propres aux classes dominantes, tout en dévalorisant les ressources d’autochtonie des classes populaires. Pourtant, il existe aussi une « mondialisation par le bas », qu’étudie Alejandro Portes : l’analyse des circulations de certains migrants pauvres, qui profitent de leur capacité à faire le lien entre différents espaces nationaux pour commercer, montre que les classes populaires ne sont pas si immobiles que cela. Les migrants venus d’Amérique latine, installés aux États-Unis, renvoient ainsi des sommes importantes dans leurs pays d’origine, créant des flux et des espaces transnationaux.

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Écrit par

  • : doctorant en sociologie au Centre de sociologie des organisations (C.S.O.), agrégé de sciences économiques et sociales

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