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MONDIALISATION (sociologie)

Les grandes approches de la mondialisation

L’analyse de la mondialisation a ainsi posé un problème méthodologique important à la sociologie : les outils traditionnellement utilisés sont liés au cadre national ; or celui-ci n’est plus le cadre allant de soi de la société. Le sociologue Ulrich Beck a invité les chercheurs à sortir du « nationalisme méthodologique ». La pratique ethnographique s’est par exemple considérablement renouvelée : ethnographie multisituée (on suit la circulation d’un même objet entre différents espaces), étude des interactions globales qui se jouent sur le plan local. La mondialisation incite alors chaque chercheur à s’interroger sur le contexte de son objet.

Au-delà de cette mise en garde méthodologique, la mondialisation elle-même a fait l’objet d’approches différentes. On peut les classer en trois catégories, selon la façon dont la mondialisation est perçue : comme compression de l’espace et du temps ; comme espace de flux ; comme variation des échelles.

La première approche voit dans la mondialisation le résultat d’un processus historique de long terme, une transformation de notre rapport au temps et à l’espace. David Harvey, reprenant Karl Marx, souligne que le capitalisme met les lieux en concurrence, supprimant temps et distance. Anthony Giddens donne un tour plus général encore à cette idée : pour lui, la mondialisation est l’achèvement d’un processus de modernisation engagé au xviie siècle. La maîtrise du temps et de l’espace « désencastre » l’individu des contextes locaux. Il fait ainsi le lien entre le développement de l’individualisme et la mondialisation.

La deuxième approche est très attachée au nom de Manuel Castells. Pour lui, le capitalisme informationnel – où la concurrence se joue sur la production et la gestion de l’information – recompose la géographie sous la forme de réseaux (commerciaux, entrepreneuriaux, épistémiques…) : ce qui compte, aussi bien pour un individu que pour une entreprise, ce n’est plus sa position dans l’espace, mais sa place dans un réseau de relations. Capitaux, informations, images, etc. : tout devient flux circulant dans les réseaux. La Silicon Valley, nœud central de plusieurs réseaux, point d’arrivée et de départ de flux de capitaux, d’hommes, de savoirs, de technologies, etc., constitue un exemple paradigmatique. Cette nouvelle géographie est profondément inégalitaire : les travailleurs qui ne parviennent pas à devenir des « flux », qui restent attachés à un espace local, sont profondément désavantagés.

La dernière approche s’intéresse quant à elle à l’émergence d’une échelle globale et à son articulation avec les échelles régionale, nationale et locale. Saskia Sassen introduit ainsi la notion de formation globale : il existe des institutions ou des lieux qui dépassent le niveau national, sans pour autant recouvrir le monde entier ou être totalement détachés des autres niveaux. L’étude des villes globales a constitué le champ de mise en œuvre le plus riche de cette approche : on peut analyser l’existence d’un archipel urbain, d’un réseau de grandes villes centré autour de New York, Londres et Tōkyō. Ces villes sont moins reliées à un arrière-pays national qu’aux autres villes semblables : pour une entreprise, s’installer à Londres ne signifie pas ouvrir une porte sur le marché britannique, mais accéder au réseau des villes globales. Le global est ici à la fois localisé – il se déploie dans des lieux spécifiques – et indépendant des autres échelles, particulièrement de l’échelle nationale.

Quelles que soient les voies que ces approches explorent, elles accordent toutes une grande importance à l’identification des lieux et des acteurs propres à la mondialisation. À l’image d’une force économique inéluctable, la sociologie oppose l’attention à son caractère construit, contingent[...]

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Écrit par

  • : doctorant en sociologie au Centre de sociologie des organisations (C.S.O.), agrégé de sciences économiques et sociales

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