MONGOLIE, histoire
La Mongolie est le creuset d'où sont sorties les races turque et mongole, parentes ou proches par leur langue comme par certains traits ethniques et culturels. En cette terre dure à l'homme, l'élevage nomade s'est trouvé être la forme d'économie la mieux adaptée aux conditions naturelles. Non que l'agriculture et la vie sédentaire y aient été ignorées ou y soient impossibles, comme le prouvent les vestiges, disséminés dans les steppes, de canaux d'irrigation et de villes ; mais, à l'époque historique et jusqu'à l'implantation d'une économie de type moderne en Mongolie actuelle, elles sont restées des phénomènes localisés.
Et, de siècle en siècle, les « empires des steppes », selon l'heureuse formule de René Grousset, s'y sont succédé suivant un schéma à peu près immuable : d'un petit clan, luttant contre les rudesses du climat et les empiétements de ses voisins pour se maintenir dans une vie précaire, surgit un chef énergique qui s'impose peu à peu par la force de ses armes, le prestige grandissant de son nom et ses alliances matrimoniales. Il en arrive ainsi, en quelques décennies, à dominer une confédération de tribus – l'équivalent nomade de l'État sédentaire – dont il est proclamé le souverain ou qagan (« grand- khan »). Son pouvoir, des immensités de l'Eurasie centrale où il s'étend de proche en proche, entre alors en conflit avec celui des peuples sédentaires limitrophes, le monde chinois en particulier. Qu'importe si à l'issue du combat le qagan, victorieux, monte sur le trône du royaume sédentaire ou si, tenu en respect, il se satisfait de sa puissance sur le monde nomade : son empire ne s'en disloque pas moins sous ses successeurs aussi promptement qu'il s'est formé, et selon un processus symétrique. Car les tribus qui avaient suivi sa fortune l'abandonnent dès les premiers signes de faiblesse pour retrouver, selon les circonstances, un rival en pleine ascension ou l'anarchie de la compétition individuelle. L'anthropologie n'a-t-elle d'ailleurs pas établi que l'ancien nomadisme d'Asie centrale reposait sur des unités familiales structurellement toutes équivalentes les unes aux autres, et que la différenciation socio-économique ne pouvait se développer que dans un contexte de conquêtes guerrières ?
Les Turcs propres apparaissent sous ce nom au vie siècle et les Mongols propres (si l'on excepte quelques mentions éparses dans les annales chinoises depuis les Tang) à la fin du xiie siècle avec Gengis-khan. Avant ces deux dates, l'historien ne peut parler respectivement que de Proto-Turcs et de Proto-Mongols, et l'attribution de chaque dynastie nomade à l'une de ces deux ethnies repose principalement sur une étude linguistique des fragments d'onomastique et de titulature parvenus jusqu'à nous par l'entremise des chroniqueurs des pays sédentaires. De fait, les confédérations des nomades étaient composites, les mêmes éléments se retrouvant sous une direction à prédominance tantôt turque et tantôt mongole. Entre ces éléments, les emprunts linguistiques et les mélanges ethniques étaient constants par les intermariages (chaque unité patrilinéaire pratiquant l'exogamie) et par les unions de fait autant que par l'influence, forcée ou libre, des maîtres de l'heure. À travers les siècles, nombreux sont les exemples de Turcs mongolisés et de Mongols turcisés. Les Timourides, les Čagataides (ou Djaghataïdes), les souverains des khanats de l'Empire russe, tous turcs et musulmans, ne revendiquent-ils pas, à juste titre, une ascendance gengiskhanide ? Et la petite tribu mongolisée des Tatar, ennemie sans pitié du clan de Gengis-khan qui la décima en 1202, n'était-elle pas si célèbre que son nom désignait pour les[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Françoise AUBIN : directeur de recherche au C.N.R.S. et à la Fondation nationale des sciences politiques (C.E.R.I)
- Vadime ELISSEEFF : conservateur en chef du musée Guimet, directeur d'études à l'École pratique des hautes études en sciences sociales
Classification
Médias
Autres références
-
EXPANSION MONGOLE - (repères chronologiques)
- Écrit par Vincent GOURDON
- 198 mots
1206 Temüdjin est reconnu khan universel (Gengis khan).
1215 Prise de Pékin et annexion de la Mandchourie.
1221 Gengis khan atteint l'Indus.
1229 Ögödeï est élu grand khan deux ans après la mort de son père Gengis khan.
1231 Destruction définitive de l'empire du Kharezm et...
-
AFGHANISTAN
- Écrit par Daniel BALLAND , Gilles DORRONSORO , Encyclopædia Universalis , Mir Mohammad Sediq FARHANG , Pierre GENTELLE , Sayed Qassem RESHTIA , Olivier ROY et Francine TISSOT
- 37 316 mots
- 19 médias
...l'embouchure de l'Amou-Daria. Par conséquent, au début du xiiie siècle, alors qu'une des plus effroyables invasions de l'histoire se préparait en Mongolie, sous la direction du terrible Gengis khan, le Khorassan faisait partie de l'empire de Khorezm, qui fut le premier à subir le choc de la nouvelle... -
AÏMAG
- Écrit par Françoise AUBIN
- 120 mots
À l'origine, chez les peuples turcs, mongols et parfois toungouso-mandchous, l'aïmag (ou aïmak, ou ayimaq) est une unité sociale plus ou moins étendue qui repose sur la parenté patrilinéaire.
À partir du XIIIe siècle, chez les Mongols, c'est une sous-tribu ayant un territoire de...
-
ALEXANDRE IAROSLAVITCH NEVSKI (1220-1263)
- Écrit par Wladimir VODOFF
- 429 mots
-
ANDRÉ DE LONGJUMEAU (mort en 1270)
- Écrit par Marcel PACAUT
- 216 mots
Frère prêcheur, qui fit partie du groupe de religieux que le pape Innocent IV et le roi Saint Louis utilisèrent pour leur politique orientale. En 1244, André de Longjumeau accomplit une première mission, proprement religieuse, en Syrie et dans les régions voisines, et consolida les retours au catholicisme...
- Afficher les 75 références