MONNAIE Histoire de la monnaie
La monnaie en Asie
Longtemps, les circuits monétaires de l'Asie ont été distincts de ceux du monde occidental (Afrique, Europe et Amérique). En Chine, l'Empire des Qin et des Han (iiie s. av.-iie s. apr. J.-C.) connaissait principalement la sapèque de cuivre, pesant d'abord une demi-once (7,5 grammes), puis – sapèque wuzhu – cinq grains (3 g). Théoriquement, la sapèque représentait un dix-millième de la livre d'or, mais en fait beaucoup moins. Le Moyen Âge chinois, jusqu'en 581, ne modifia pas ces données de base. C'est sous les Tang (618-907) que l'appauvrissement des stocks de cuivre commença d'apparaître. En principe, l'État se réservait un droit de préemption sur l'ensemble du cuivre produit dans une cinquantaine de mines, situées surtout dans le sud du pays, et frappait la sapèque, rondelle de cuivre percée d'un trou ; mille sapèques enfilées sur un lien de jonc constituaient une ligature (min). Mais l'abondance de la fausse monnaie, la thésaurisation du cuivre dans les monastères bouddhiques altéraient progressivement la qualité de la monnaie officielle. Vers 817, il devint courant de prélever 8 p. 100 des pièces sur une ligature, pour se prémunir contre cet affaissement.
C'est alors qu'apparut le papier-monnaie, justifié par la lourdeur des ligatures, la diversité des espèces et des retenues, le manque chronique de numéraire. À la fin du viiie siècle, les grands commerçants prirent l'habitude de confier leur monnaie, contre un bon, aux divers représentants du pouvoir impérial. Les bons ainsi utilisés, véritables lettres de change, appelés « monnaie volante » (feiqian) ou bien « change commode » (bianhuan), furent en définitive émis par trois administrations contrôlées par les mandarins : le ministère des Finances, le Bureau des revenus publics et le Commissariat du sel et du fer. Au même moment, l'imprimerie faisait son apparition, facilitant à son tour la circulation des idées et des biens.
Sous les Song (960-1279), la persistance de la pénurie de cuivre aboutit à la création d'une monnaie de fer, dont la circulation jouissait d'un monopole dans le Sichuan et se pratiquait concurremment à celle du cuivre dans le Shaanxi et le Shanxi. Dans le reste du pays, c'est-à-dire autour de la capitale, et dans les régions du Sud-Est, le cuivre continuait seul à avoir cours. Le taux de change cuivre-fer fut au xie siècle stabilisé à 1/10. Cependant la lourdeur de la monnaie de fer contribuait au développement du papier-monnaie, principalement dans le Sichuan, émis d'abord par des banquiers, puis par l'État à partir de 1070 environ, sous forme d'assignats. Au xiie siècle, avec une forte avance sur l'Occident, l'État chinois avait ainsi découvert les avantages de la planche à billets ; il ne devait pas tarder à découvrir son corollaire, l'inflation ruineuse, accélérée encore sous les Mongols (xiiie et xive s.).
Sous les Ming (1368-1644), la Chine entra en contact avec les courants monétaires occidentaux : paradoxalement, alors que l'Espagne avait découvert l'Amérique en cherchant l'or de Cathay, donc de l'Empire chinois, c'est l'argent des colonies espagnoles d'Amérique, diffusé à partir des Philippines à la fin du xvie siècle, qui ranima l'économie monétaire chinoise sous la forme de lingots et de pièces. À la fin du xviiie siècle, le carolus d'argent espagnol se mit à circuler dans la zone côtière chinoise, entraînant des déséquilibres constants dans le commerce des métaux : si, en principe, mille ligatures de sapèques valaient désormais un taël, soit une once (38 g en moyenne) d'argent, le taux variait considérablement selon le lieu, la conjoncture économique, la qualité de l'alliage, et surtout la proximité de chaque province ou son éloignement par rapport[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Michel BRUGUIÈRE : ancien élève de l'École normale supérieure, directeur d'études à l'École pratique des hautes études, ancien rapporteur général du Haut Comité de la langue française
Classification
Médias
Autres références
-
LA SIGNIFICATION SOCIALE DE L'ARGENT (V. A. Zelizer)
- Écrit par Frédéric LEBARON
- 999 mots
La traduction de The Social Meaning of Money, publié aux États-Unis en 1994 (coll. Liber, Seuil, 2005), permet au public francophone d'accéder directement à ce qui est devenu un « classique » de la nouvelle sociologie économique américaine, consacré à la question, centrale en cette période de « marchandisation...
-
BÂLE ACCORDS DE (1972)
- Écrit par Marie-France BAUD-BABIC
- 303 mots
Le 24 avril 1972, les accords monétaires de Bâle sont signés. Ils mettent en place l'une des propositions du plan rédigé par l'équipe réunie autour de Pierre Werner, Premier ministre luxembourgeois de l'époque, proposant de parvenir par étapes à la création d'une Union économique et monétaire....
-
AFTALION ALBERT (1874-1956)
- Écrit par Guy CAIRE
- 194 mots
Né en Bulgarie, mort à Genève, Aftalion a enseigné successivement aux universités de Lille et de Paris. On lui doit une œuvre abondante et plusieurs contributions importantes à la théorie économique moderne. Dans son ouvrage Les Crises périodiques de surproduction (1913), il montre comment...
-
AGLIETTA MICHEL (1938- )
- Écrit par Yamina TADJEDDINE
- 1 088 mots
- 1 média
Penseur du capitalisme et de la monnaie, le Français Michel Aglietta est un chercheur, un pédagogue et un expert reconnu des économistes, des historiens et des anthropologues, mais aussi des politiciens et des syndicalistes de toute tendance.
Né dans une famille modeste d’immigrés italiens en 1938...
-
AGRÉGAT ÉCONOMIQUE
- Écrit par Marc PÉNIN
- 1 488 mots
Une catégorie particulièrement importante, pour l'analyse et la politique économique, des agrégats de stock est constituée par les agrégatsmonétaires (ensemble des moyens de paiement et des actifs financiers facilement convertibles en moyens de paiement, possédés par les agents économiques non... - Afficher les 147 références