MONNAIE Théorie économique de la monnaie
La théorie de la demande de monnaie
L'exposé précédent nous a permis d'isoler la nature de la monnaie : la monnaie est un actif spécifique généralement acceptable dans les échanges, ce qui caractérise, comme on le verra, la notion de liquidité. Pourquoi les individus demandent-ils cet actif spécifique (en d'autres termes, pourquoi est-il plus liquide) ? En raison de la présence de « coûts de transaction ».
La double nature des coûts de transaction
Les ouvrages d'économie ne définissent pas toujours clairement la notion de coûts de transaction. Il s'agit d'abord, et de manière décisive, de coûts d'information sur la qualité des emprunteurs, qui expliquent pourquoi les agents ont besoin d'une créance garantie (la monnaie) pour échanger. L'information est en effet distribuée fréquemment de manière inégale entre les agents économiques. Les banques bénéficient d’un avantage comparatif dans la gestion de ces asymétries d'information, permettant à leurs créances d'être plus acceptables que les créances individuelles (c'est l'origine de la monnaie de crédit). Ces coûts d'information permettent à la monnaie bancaire d'être acceptée par les vendeurs en dépit du manque à gagner que sa détention occasionne (coût d'opportunité) : ces derniers préfèrent être payés en monnaie bancaire, peu ou pas rémunérée, plutôt qu'en créances individuelles, mieux rémunérées mais risquées. Une fois acceptée, les agents utilisent cette monnaie pour rembourser les crédits (il y a alors destruction de monnaie), pour régler leurs transactions (elle sera alors détruite ou conservée par un autre agent), ou la conservent pour l'utiliser plus tard. Ainsi, il est vain de vouloir distinguer une approche transactionnelle d'une approche patrimoniale de la demande de monnaie : la monnaie conservée ne trouve sa justification que dans le fait d'être employée dans les transactions futures.
Une question épineuse survient ici : pourquoi conserver une partie de son portefeuille sous forme de monnaie ne rapportant pas intérêt plutôt que sous forme d'un actif plus rémunérateur et de même degré de risque ? Cette question a été qualifiée, sans doute exagérément, par John Hicks (1935) de « point central de la théorie pure de la monnaie ». Seuls des coûts de transaction d'une autre espèce – des coûts de conversion (coût de négociation, pertes de temps, marge prélevée par les intermédiaires) entre la monnaie et ces actifs proches – peuvent justifier une telle détention de monnaie par un agent économique. Cette deuxième espèce de coûts de transaction est bien moins vitale pour la théorie de la monnaie que la première, mais elle permet de définir la gamme des actifs utilisés comme monnaie à une époque donnée.
Les motifs de demande de monnaie
Ainsi, dans la Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie (1936), John Maynard Keynes définit trois motifs de demande de monnaie : transaction (régler les échanges), précaution (faire face aux aléas futurs) et spéculation (profiter des opportunités ultérieures de placements). En ce qui concerne les motifs de transaction et de précaution, l'arbitrage entre la monnaie et des actifs mieux rémunérés de degré de risque comparable s'explique simplement par l'existence de coûts de conversion, comme l'ont montré les travaux de gestion de portefeuille de William Baumol (1952) et Edward Whalen (1966). Mais le motif de spéculation ne peut également se justifier qu'en présence de coûts de conversion. L'explication est la suivante : lorsque les individus anticipent une baisse du prix des titres, ils ont intérêt à garder de la monnaie pour profiter de cette opportunité future. Si le taux d'intérêt est faible aujourd'hui, il vaut mieux conserver[...]
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Écrit par
- Patrick VILLIEU : professeur de sciences économiques à l'université d'Orléans
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