MONNAIE Théorie économique de la monnaie
Les canaux de transmission de la politique monétaire
La monnaie est un droit sur la valeur de la production. Si trop de droits sont émis par rapport au volume de la production, le niveau général des prix tendra à augmenter. En situation de croissance, les banques peuvent émettre des droits supplémentaires sans que le pouvoir d'achat de la monnaie s'affaiblisse, à la condition que la création nette de droits corresponde à la croissance réelle de la production. Telle est, en résumé, la règle de politique monétaire préconisée par Milton Friedman (1969), qui correspond à la théorie quantitative de la monnaie, aujourd'hui communément acceptée comme référence de long terme. À court et à moyen terme, néanmoins, la plupart des économistes, qu'ils soient « monétaristes », « nouveaux classiques » ou « nouveaux keynésiens », pensent que la monnaie a des effets réels. Les controverses s'expriment surtout à propos du canal de transmission des chocs monétaires.
Expliquer la non-neutralité de la monnaie
Imaginons que la masse monétaire ne soit composée que de billets bleus de 20 euros et qu'elle soit également répartie au sein de la population. Imaginons que, au cours d'une nuit, ces billets deviennent rouges. On conviendra aisément qu'un tel changement de couleur n'exerce aucun effet sur l'activité économique. Imaginons désormais que ces billets bleus de 20 euros se transforment en billets rouges de 40 euros pendant la même nuit. On conviendra que ce changement d'unité de mesure ne devrait pas davantage avoir d'effet réel : l'activité économique doit être indifférente à l'unité de mesure choisie pour l'évaluer ; en d'autres termes, la monnaie doit être neutre. Pourtant, on imagine assez bien que l'activité puisse se trouver accrue au lendemain de cette opération. Comment l'expliquer ? Une première approche serait de considérer que les acteurs économiques sont victimes d'illusion monétaire (ils croient que les billets rouges de 40 euros valent plus que les billets bleus de 20 euros), mais construire une théorie économique en supposant que les acteurs sont stupides ou irrationnels ne nous est pas d'une grande aide. Une seconde solution consiste à reconnaître que les politiques monétaires ne se présentent pas sous la forme d'un simple échange de billets : elles s'accompagnent de transferts entre agents, d'une modification des portefeuilles, de variations des taux d'intérêt, etc. Mais si les prix s'ajustent rapidement, ces effets ne doivent pas avoir de répercussion durable sur l'activité.
Seuls les effets de substitution entre capital physique et stock de monnaie, dus à l'inflation, peuvent exercer un impact sur la croissance à long terme, mais le signe de cette relation n'est affirmé ni sur le plan théorique ni sur le plan empirique. Ainsi, selon Tobin (1969), l'effet inflationniste d'une expansion monétaire réduit le rendement réel des encaisses par rapport à celui du capital, et peut inciter les agents à substituer l'investissement productif à la détention de monnaie. Les nombreux travaux théoriques et empiriques subséquents conduisent néanmoins à douter de l'importance quantitative de ce mécanisme. En dehors de cette question de la « superneutralité » de la monnaie (effet de l'inflation à long terme), dans un monde concurrentiel avec prix flexibles, information et marchés financiers parfaits, la monnaie est, quelques effets temporaires ou de second ordre mis à part, neutre.
Les imperfections de l'information et de la concurrence
Les canaux de transmission de la politique monétaire ne peuvent pleinement se révéler que dans un monde où les prix ne s'ajustent pas parfaitement et où l'activité n'est pas au plein-emploi. Toute la difficulté est alors d'expliquer pourquoi,[...]
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Écrit par
- Patrick VILLIEU : professeur de sciences économiques à l'université d'Orléans
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