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MONOCHROME, peinture

Des monochromes comiques

George Brecht (1926-2008) présentait à Lyon un tableau entièrement peint en vert sur lequel des lettres en relief, elles aussi peintes en vert, indiquaient : « Notice Red » (1966). Les cartels disposés aux quatre angles d'une grande toile bleu uni d'Ilya Kabakov (1933-2023) semblaient transcrire une discussion entre badauds qui se perdraient en conjectures : « C'est la mer ; c'est un lac ; c'est de l'air frais ; c'est le ciel » (1970). Au cours des années 1980, la veine comique qui se répandait dans les pratiques artistiques avant-gardistes naguère le plus souvent vouées au sérieux, voire à la gravité, trouvait avec le monochrome un terrain de jeu accueillant. François Morellet (1926-2016) multiplie alors les occasions d'en sourire. Il réalise par exemple une série de Paysages-Marines (1987) par assemblage de toiles blanches. Selon leurs dispositions respectives, elles offrent une représentation de Falaise et mer, une vue de la Marée basse, de la Marée haute, une évocation de La Vague et, enfin, celle d'un Raz-de-marée. Le titre tient un rôle déterminant dans la lecture ludique des éléments visuels. En outre, ici, le verbe projette la monochromie, comble de la non-figuration, dans le monde des représentations.

L'association de la monochromie et du verbe au service d'une figuration paradoxale caractérise les monochromes drolatiques, dont le xixe siècle ne fut pas avare. Le plus connu de ces monochromistes pour rire est sans doute Alphonse Allais (1854-1905). En 1883, il exposait sa Première communion de jeunes filles chlorotiques par un temps de neige dans le cadre de l'exposition des Arts incohérents. L'œuvre fut remarquée par Félix Fénéon : « Sous ce titre suave [...] M. Alphonse Allais a collé au mur une feuille de bristol absolument blanche. » L'original en est perdu, mais l'idée en fut reprise par Allais dans son Album Primo-Avrilesque (1897). En 1884, l'humoriste récidivait avec une Récolte de la tomate sur les bords de la mer Rouge par des cardinaux apoplectiques (Effet d'aurore boréale), et il se présentait dans le catalogue de la nouvelle manifestation des Arts incohérents comme « Élève des maîtres du xxe siècle ». Cette conflagration temporelle qui défie la logique n'est pas infondée. En effet, seuls les développements de la monochromie au xxe siècle ont permis que l'attention des historiens se porte sur les facéties oubliées du xixe siècle. Ces derniers ont pu ainsi montrer que l'idée d'une disparition du dessin hante la peinture depuis que le développement de la modernité s'accompagne d'une violente crise des valeurs.

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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