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MONOPÔLE MAGNÉTIQUE

Depuis la découverte du magnétisme par l'ingénieur français Petrus Peregrinus de Maricourt, tous les objets magnétiques étudiés jusqu'à présent, qu'il s'agisse de notre Terre ou d'un simple barreau aimanté, du microscopique proton (10-12 mm) ou de l'électron pratiquement ponctuel, sont caractérisés par deux pôles magnétiques, généralement appelés nord et sud.

La recherche d'un monopôle magnétique a pourtant motivé très tôt la curiosité des physiciens, d'autant qu'électricité et magnétisme sont des phénomènes fort semblables et qu'un monopôle électrique comme l'ion H+ (ou proton) s'obtient très facilement en ionisant l'atome d'hydrogène, qui est lui-même un dipôle électrique, avec son pôle négatif, l'électron, et son pôle positif, le proton.

Dès 1931, Paul Dirac montre que, dans le formalisme quantique, l'existence de monopôles magnétiques expliquerait que les charges électriques sont toutes multiples d'une charge électrique élémentaire, celle de l'électron. Dirac établit que la charge magnétique du monopôle doit correspondre à environ 68,5 fois la charge de l'électron, ce qui doit permettre de l'identifier car cette charge magnétique élevée provoque deux réactions bien caractéristiques : le monopôle est facilement piégé par les matériaux ferromagnétiques et, lorsqu'il traverse un champ magnétique, il acquiert une grande énergie, ce qui l'accélère violemment.

Les monopôles peuvent venir de l'espace parmi les innombrables particules qui bombardent notre planète. Ils peuvent aussi se trouver prisonniers de noyaux de certains atomes comme ceux d'hydrogène et d'aluminium, alors appelés atomes monopôliques. Les recherches dans l'un et l'autre cas sont restées vaines ; les capteurs installés dans des ballons expédiés à haute altitude comme ceux installés à proximité d'expériences tentant d'éjecter les monopôles des échantillons choisis (de minerai de magnétite, d'eau de mer, de roches lunaires...) n'ont découvert aucun monopôle.

La nature semblant avare de monopôles, les physiciens ont placé leurs détecteurs auprès des grands accélérateurs de particules, profitant d'énergies disponibles de plus en plus gigantesques, ce qui ouvre l'accès à l'observation de particules de masses de plus en plus élevées. Mais le monopôle reste désespérément absent parmi le flot de particules créées, en particulier lors des collisions protons-antiprotons. Il paraît aujourd'hui certain que, si le monopôle avait une masse inférieure à cent cinquante fois la masse du proton, il aurait été observé parmi la formidable moisson de particules obtenue dans les grands accélérateurs.

Le monopôle est pourtant indispensable à la théorie pour expliquer l'étonnante précision de 10-21, une sorte de record, avec laquelle la charge électrique de l'électron compense celle du proton afin que les atomes soient parfaitement neutres. L'explication de ce phénomène dans le cadre de l'électrodynamique quantique ou dans celui, plus récent, des théories d'unification des forces fondamentales est liée à l'existence du monopôle. Sa recherche reste donc un enjeu d'importance.

Il fallut attendre la théorie d'unification et les travaux du Néerlandais Gerard 't Hooft et du Russe Alexander Poliakov en 1971 pour aboutir à une prédiction rigoureuse de la masse du monopôle. De fait, si le monopôle existe, il ne peut être qu'une particule monstrueuse aussi petite qu'un électron mais d'une masse quelque 1015 fois supérieure à celle du proton, c'est-à-dire supérieure à la masse d'un virus ! Une seule expérience offre les densités d'énergie requises à la production de particules aussi massives : c'est l'explosion primordiale[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau

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