MONOTHÉISME
La religion d'Israël
Les thèses de l'école libérale sur le monothéisme biblique (notamment J. Wellhausen) sont aujourd'hui dépassées. On ne cherche plus à montrer comment Israël serait passé progressivement, par une évolution naturelle, de l'animisme et du fétichisme au polythéisme pour parvenir lentement à travers la monolâtrie au monothéisme proprement dit. Il est cependant légitime de parler d'une explicitation progressive du monothéisme comme croyance à l'unicité du vrai Dieu. On peut distinguer dans ce processus la période des origines (celle des patriarches), celle qui va de la conquête de Canaan à l'Exil, enfin celle de l'Exil.
L'époque des patriarches
Si l'on définit le monothéisme comme la croyance en un seul Dieu, comportant la négation explicite de tout autre dieu, on ne trouve aucune mention nette d'un tel monothéisme à l'époque des patriarches. On peut tout au plus parler de « monolâtrie ». La question de l'existence ou de la non-existence des dieux des autres peuples ne se pose même pas. Les ancêtres immédiats d' Abraham étaient polythéistes (Jos., xxiv, 2) et plusieurs passages de la Genèse montrent que les patriarches vénéraient un dieu El lié à tel ou tel sanctuaire palestinien : El-Très-Haut à Jérusalem (xiv, 19), El-d'Éternité à Bersabée (xxi, 33), El-Bethel à Bethel (xxxv, 7), El-Roï au puits de Lahai-Roï (xvi, 13). Le Dieu des patriarches se rattache au grand dieu El, chef du panthéon cananéen. Or ni El, ni Elohim n'ont le même sens que celui qui sera contenu dans le nom de Yahvé. « Ils désignent moins une personne de caractère individuel qu'une personne de nature divine, déterminée génériquement » (E. Stauffer). Il faut chercher la racine de ces noms, en tant que désignations d'un genre « Dieu », dans la religion polythéiste elle-même.
Or, le Dieu d'Abraham n'est pas seulement un dieu local, mais le « Dieu des pères », le Dieu tutélaire qui entretient des relations personnelles avec les membres de son clan. Et surtout, c'est le Dieu de l'élection, celui qui a parlé à Abraham (Gen., xii). Il est plus qu'un dieu tribal, car son pouvoir s'étend au-delà des clans patriarcaux (Gen., xi, 3 ; xx, 17-18 ; xxx, 27). Le dieu El d'Abraham ne semble pas différent du Dieu du grand-prêtre Melchisédech, le créateur du ciel et de la terre (Gen., xiv, 19 et 22). Aussi, pour l'époque des patriarches, peut-on déjà parler d'un « monothéisme pratique » ou d'un « hénothéisme » fondé sur la certitude d'avoir été choisi par Dieu parmi tous les peuples.
Avec la révélation du nom de Yahvé à Moïse, est-on déjà en présence d'un monothéisme absolu ? Certains estiment que les témoignages de l' Ancien Testament ne permettent pas de répondre positivement à cette question. La claire reconnaissance d'un monothéisme absolu, qui nous semble évidente aujourd'hui, ne s'est imposée en effet que lentement à l'intérieur du peuple d'Israël. À l'époque mosaïque, l'affirmation du pouvoir unique de Yahvé est plus importante que la confession théorique de son unicité, à l'exclusion de tout autre dieu. On ne conteste pas l'existence d'autres dieux, mais Yahvé est conçu comme le plus puissant de tous les dieux, celui devant lequel les dieux des autres peuples doivent s'incliner. Le monothéisme israélite « est la transposition dans l'idéologie de l'unité et de l'unicité d'un groupe qui a affirmé son existence autonome en se mettant à part des autres dieux » (A. Caquot).
Cependant, le Dieu de Moïse est plus qu'un simple dieu national. Non seulement il exerce sa puissance sur les autres peuples, mais il intervient dans la nature et le cosmos. On peut parler à propos de Moïse d'un monoyahvisme[...]
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Écrit par
- Claude GEFFRÉ : professeur à l'Institut catholique de Paris
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