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MONSTRES, esthétique

Le monstre, dans l'art, peut être défini comme la création, par l' imagination humaine, d'un « être matériel » que son créateur n'a pas pu rencontrer. Peu importe que ce créateur ait cru ou non à son existence dans une contrée lointaine ou mythique, qu'il ait eu ou non, au moment de la création, l'intention consciente d'instaurer ainsi un écart par rapport à la nature. Le monstre se définit donc comme différence par rapport à la perception que l'on a généralement du monde naturel. Comme l'a écrit Benvenuto Cellini : « Les grotesques ont été ainsi nommés par les Modernes parce que ce sont dans des caves de Rome (cavernes qui étaient autrefois des chambres, des étuves, des salles...) que des savants curieux les ont redécouverts [...]. D'où le nom de grotesques donné à ces décorations. Mais ce n'est pas leur nom. Les Anciens, en effet, aimaient à composer des animaux fantastiques tenant de la chèvre, de la vache et de la cavale, et, de même, ils formaient avec les rinceaux de feuillage des espèces de monstres. Et c'est ce terme de monstres, non celui de grotesques, qu'il faut appliquer à ces compositions. »

Le monstre constitue ainsi un signifiant esthétique, dont il faut déterminer l'importance et les modes d'utilisation.

Pérennité du monstre

Comme le montre, par exemple, André Leroi-Gourhan (Préhistoire de l'art occidental), dès les premières figurations qu'il trace sur les parois de ses grottes, l'homme fait apparaître des formes monstrueuses : être cornu de la grotte des Trois-Frères (Ariège) ; homme dont la tête est remplacée par une queue de bison ; personnages à têtes animales ou sans tête.

Tapis aux sorcières - crédits : Index/  Bridgeman Images

Tapis aux sorcières

Depuis cette origine, l'homme n'a cessé de produire des formes monstrueuses, d'ajouter de nouvelles formes à celles qu'il percevait dans la nature, de continuer en quelque sorte la création et d'opposer à l'univers perçu un autre monde, parfois un anti-monde. Cette permanence, Jurgis Baltrušaitis la constate : « L'humanité ne cesse jamais d'aimer les monstres, et elle les trouve là où ils sont. Pour les esprits classiques, le Moyen Âge entier en porte le cachet. Tout en cheminant jusqu'au réveil romantique en marge de l'évolution générale, il se ranime régulièrement au sein du maniérisme et du baroque » (Réveils et prodiges). Tantôt, en effet, le monstre se manifeste dans des œuvres universellement reconnues (chapiteaux des cathédrales ; tableaux de Bosch, de Bruegel, de Goya, de Chagall ; textes de Dante et d'Henri Michaux) ; le plus souvent (mais non pas toujours), le monstre trouve sa gloire dans des œuvres angoissantes. Tantôt, au contraire, il se dissimule dans des arts dits « mineurs » : décoration de plafonds, bordures de tapisseries, faïences, etc. ; on connaît les sphinges des meubles Empire. Le domaine de la caricature, souvent négligé par les historiens de l'art, et qui leur apparaît comme trop lié aux événements anecdotiques, multiplie lui aussi les monstres (hommes politiques à corps d'animaux). Alors le monstre semble se réfugier dans des sortes de réserves : il cherche à se faire méconnaître.

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Écrit par

  • : professeur émérite de philosophie de l'art à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, critique d'art, écrivain

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Médias

Tapis aux sorcières - crédits : Index/  Bridgeman Images

Tapis aux sorcières

Gizeh - crédits :  Bridgeman Images

Gizeh

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