MONTOIRE (1940)
Petit bourg du Loir-et-Cher, près de Vendôme, où le maréchal Pétain a rencontré Hitler le 24 octobre 1940. C'est au cours de cet entretien, le seul qu'ils aient jamais eu, que les deux chefs d'État ont envisagé une collaboration entre leurs pays. Aussi, pour les adversaires du régime de Vichy, Montoire est-il synonyme de trahison, tandis que les partisans de Pétain affirment que c'est, peu de temps après la défaite, la première étape du redressement de la nation. Pour comprendre la signification et l'importance de cette rencontre, il est nécessaire de la replacer dans le contexte international du moment (automne de 1940). D'une part, les Français libres et les Anglais ont attaqué Dakar les 23 et 24 septembre, vainement, car Vichy est très résolu à défendre l'empire français contre toute agression, d'où qu'elle vienne ; d'autre part, l'aviation britannique est sortie victorieuse de la bataille d'Angleterre. La situation est donc différente de ce qu'elle était au moment de l'armistice. Chacun en tire les conséquences à sa façon : Pétain en envoyant officieusement à Londres le professeur Rougier (qui sera malencontreusement reçu par Churchill le jour même de l'entrevue de Montoire) ; Hitler en décidant de voir Franco pour obtenir l'autorisation de laisser passer les troupes allemandes par l'Espagne pour un éventuel débarquement en Afrique du Nord. Quant à Pierre Laval, président du Conseil, et à Paul Baudouin, ministre des Affaires étrangères, constatant qu'on s'installe dans une guerre plus longue qu'ils ne le prévoyaient initialement, ils estiment nécessaire de normaliser les rapports avec l'Allemagne. Aussi Laval est-il reçu le 22 octobre par Hitler, dans son train spécial en route vers l'Espagne, à Montoire. C'est alors qu'est envisagée une rencontre entre Hitler et Pétain, qui l'accepte sans trop de réticences. La rencontre elle-même est assez décevante. Le refus de Franco l'ayant mis de méchante humeur, Hitler monologue sur les responsabilités de la France dans la défaite, sur d'éventuelles conditions de paix et propose à Pétain de « collaborer » avec l'Allemagne. Comme le chef de l'État le fera remarquer le 30 octobre dans son discours à la nation, où il reconnaît par ailleurs que « cette rencontre a suscité des espérances et provoqué des inquiétudes », « une collaboration a été envisagée... J'en ai accepté le principe. Les modalités en seront discutées ultérieurement ». En réalité, ces modalités ne seront pas discutées et aussi bien les espérances que les inquiétudes nées de Montoire seront peu fondées. Le 13 décembre, Pétain fait arrêter Laval, qu'il remplace par Flandin, partisan d'une politique ferme à l'égard de l'Allemagne. Aussi peut-on dire que le premier rapprochement franco-allemand a duré moins de deux mois et n'a reposé sur rien de concret, comme Hitler lui-même l'a déclaré le 30 octobre à Mussolini, qui s'en inquiétait. À la grande fureur de la presse collaborationniste de la zone occupée, il faudra attendre avril 1942 et le retour de Laval au pouvoir pour que la politique envisagée à Montoire retrouve une certaine actualité.
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Écrit par
- Guy ROSSI-LANDI : docteur ès sciences politiques, maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris
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