CABALLÉ MONTSERRAT (1933-2018)
L'occasion unique, celle qui ne se présentera pas une seconde fois et dont rêvent bien des artistes, c'est le remplacement imprévu d'un collègue défaillant, et l'accession soudaine à la reconnaissance du public, ou même à la gloire. Montserrat Caballé avait-elle en tête l'éventualité d'un tel miracle lorsqu'en 1965, dans le rôle-titre de Lucrezia Borgia de Gaetano Donizetti donnée en concert au Carnegie Hall de New York, elle fut amenée à prendre la place de Marilyn Horne, enceinte ? Toujours est-il que le sort joua, ce soir du 20 avril, en faveur de cette soprano espagnole qui, après des débuts anonymes, menait en Europe une carrière discrète. C'est sans doute ce succès, aussi inattendu que triomphal, qui contribua à lui ouvrir les portes des plus prestigieuses scènes internationales et à donner un sérieux coup de pouce à une activité discographique qui allait s'avérer d'une extrême richesse. Car, dès cette date, son nom commença à circuler parmi les aficionados ; et il ne fallut pas longtemps pour que Montserrat Caballé prenne place parmi les cantatrices les plus admirées de son époque.
« La Superba »
Maria de Montserrat Viviana Concepción Caballé i Folc naît le 12 avril 1933 à Barcelone, dans une famille qui avait connu des jours meilleurs, et dont la situation se dégradera encore plus lorsque la guerre civile et sa répression bouleverseront le pays. Elle commence par étudier le piano au Conservatoire du Liceu de sa ville natale, et se sent attirée par le chant. Grâce à la protection d'une riche famille, les Bertrand, elle peut poursuivre ses études – elle a comme professeurs une soprano hongroise, Eugenia Kemmeny, une célèbre cantatrice espagnole, Conchita Badía, et pour l'harmonie et le contrepoint Napoleone Annovazzi. En 1956, après plusieurs occasions manquées, elle entre dans la troupe du Stadttheater de Bâle, très modestement. Aussi difficiles soient-elles, entraînant même de sérieuses remises en question, ces années d'apprentissage qui, après Bâle, se poursuivent au Stadttheater de Brême de 1959 à 1962, ont un avantage inestimable ; elles permettent en effet à la jeune femme de se forger un répertoire, dans les styles les plus divers : Mimì (La Bohème de Puccini), Nedda (Paillasse de Leoncavallo), le rôle-titre de Tosca de Puccini, Marta (Tiefland d'Eugen d'Albert), Donna Elvira (Don Giovanni de Mozart), le rôle-titre d'Aïda de Verdi, Yaroslavna (Le Prince Igor de Borodine), mais aussi le rôle-titre de Salomé de Richard Strauss, dont elle dira souvent qu'il reste l'une de ses incarnations préférées ; également Violetta (La Traviata de Verdi), Tatiana (Eugène Onéguine de Tchaïkovski), le rôle-titre d'Armida de Dvořák, Iphigénie dans la version d'Iphigénie en Tauride de Gluck révisée par Richard Strauss, Leonora (Le Trouvère de Verdi), Mařenka (La Fiancée vendue de Smetana). Peu à peu, sa renommée s'accroît, avec des apparitions à la Staatsoper de Vienne (Salomé, 1958), à la Scala de Milan (une Fille-fleur de Parsifal de Wagner en 1960), la création locale de l'Arabella de Richard Strauss au Liceu de Barcelone en 1962, le rôle-titre de Manon de Massenet à l'Opera Nacional de Mexico en 1963 avec le Des Grieux de Giuseppe Di Stefano. Elle affectionne également le récital, passant des airs baroques de Haendel aux lieder de Schubert ou de Brahms, sans oublier les mélodies espagnoles. En 1964, elle épouse le ténor Bernabé Martí.
En 1965, son triomphe à Carnegie Hall – après lequel le New York Times n'hésite pas à titrer « Callas + Tebaldi = Caballé » – est suivi de deux séries de Maréchale (Le Chevalier à la rose de Richard Strauss) et de Comtesse (Les Noces de Figaro de Mozart) au festival de Glyndebourne, et de ses débuts au Metropolitan Opera de New York, dans Marguerite[...]
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Écrit par
- Michel PAROUTY : journaliste
Classification
Média