MONUMENT
Le monument public
Au xxe siècle, le domaine des monuments historiques s'est considérablement élargi en versant dans celui du patrimoine. Au-dessus des procédures d'inscription nationale figure aujourd'hui la catégorie des biens patrimoniaux de l'humanité. Chronologique, typologique et géographique, l'extension du champ de ces biens culturels correspond, pour certains, à un épuisement de la notion. Les monuments renverraient moins à un passé lointain, ou à des cultures distantes, qu'à une exigence de disponibilité ; moins à la remémoration qu'à une présence orgueilleuse ou artificielle. En cela, la frontière entre monument historique et monument public semble à nouveau se brouiller : l'un et l'autre sont associés comme éléments de définition de l'ordre urbain ou du territoire.
De même que les représentations de cités idéales, dans les peintures de la Renaissance, se paraient de monuments antiques alignés selon des schémas rigoureux, les monuments sont désormais investis d'une nouvelle valeur d'expression de la cité ou de la collectivité. C'est moins le passé qui est mis en scène que le pouvoir temporel ou la sphère publique. Un tel dessein, à rebours de celui des antiquaires, sous-tend nombre de traités d'architecture de l'époque classique ou des Lumières. De même, au xixe siècle, la formation des architectes à l'École des beaux-arts oriente l'histoire vers la rationalité publique. Dans Architecture et vie collective (1956), l'historien de l'art et de l'architecture Sigfried Giedion analyse ce qui relève, selon lui, d'un nouveau besoin de monumentalité, anticipé en peinture par Fernand Léger ou en architecture par José Luís Sert. Ce besoin suppose que l'on planifie le développement du centre des villes en créant des espaces dégagés aux endroits où régnait le « chaos ». Cette vision avant-gardiste du monumental ne pouvait qu'entrer en conflit avec l'exigence de préservation des vieux monuments.
Il n'en est plus de même dans les sociétés postmodernes ou hypermodernes. En témoigne le retour de la référence classique dans une construction telle que l'A.T. & T. Building de New York (auj. Sony Tower) réalisée par John Burgee et Philip Johnson (1984). Des villes comme Tōkyō montrent combien le souci de perpétuation des monuments historiques et l'exaspération du monumental dans l'architecture contemporaine peuvent coexister dans l'espace urbain.
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Écrit par
- François-René MARTIN : ancien pensionnaire à l'Institut national d'histoire de l'art, chargé de cours à l'École du Louvre
- Alice THOMINE : conseiller scientifique à l'Institut national d'histoire de l'art, chargée de conférences à l'École pratique des hautes études
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