MONUMENTS AUX MORTS
Typologie des monuments
Contrairement aux idées reçues, les statues de poilu ne sont pas omniprésentes, même si les monuments aux morts comprenant une statue sont plus spectaculaires et donc plus marquants. La statue peut être un produit industriel proposé sur catalogue par des fonderies ou une œuvre originale d’un artisan local ou d’un artiste renommé, choisie sur concours. L’ampleur de la demande au début des années 1920 permet à quelques artistes régionaux de réaliser des pièces uniques. Par esprit pratique, mais aussi pour soutenir l’économie locale, les conseils municipaux font appel aux artisans des environs pour tous les travaux liés au monument.
Si certaines représentations de poilu sont éminemment triomphalistes – comme le très répandu Poilu victorieuxd’Eugène Bénet, dont on estime à neuf cents les exemplaires réalisés –, nombre d’entre elles sont plus ambivalentes, ne serait-ce que par la présence irréelle d’un poilu porteur d’un message par-delà la mort. En outre, beaucoup de statues représentent des vieux parents en deuil, des orphelins ou des figures féminines qui mêlent non sans ambiguïté veuve, Marianne et Victoire. Quant aux coqs gaulois, aigles impériaux vaincus ou casques à pointe foulés au pied, ils parlent un langage nationaliste qui se superpose à d’autres symboles, allant du message nuancé à la surenchère implacable.
Généralement, les coûts d’une statue sont trop lourds à supporter pour une petite commune. La plupart optent pour un obélisque orné de symboles, plus abordable. La croix de guerre – distinction militaire que les survivants attribuent symboliquement aux morts – est omniprésente. Pour signifier l’issue victorieuse de la guerre pour la France, on emprunte souvent des insignes antiques, comme des trophées, représentés généralement de façon métaphorique (épées, faisceaux, drapeaux) et figurant en reliefs sculptés ou en appliques de bronze. Ces trophées sont parfois combinés avec des représentations réalistes et détaillées d’armes contemporaines (fusils, munitions, obus, casques Adrian). Les couronnes de laurier, autre symbole antique de victoire, sont toutefois souvent associées à des palmes, symbole du sacrifice emprunté aux martyrs chrétiens.
La représentation des morts en héros glorieux, dont le sacrifice aurait été volontaire, correspond certes à l’expression du patriotisme des vivants qui leur rendent hommage, mais elle n’est pas toujours mise en avant de façon explicite, que ce soit par les symboles ou par les textes. Les inscriptions sont très standardisées, selon le schéma « La commune de... à ses enfants morts pour la France [ou : Patrie] 1914-1918 [quelquefois : 1919]. » Toute variation, même minime, prête à une interprétation propre, par exemple l’accent funéraire de l’inscription « À nos morts » ou patriotique de « Gloire à nos héros ». Les inscriptions témoignent d’un lien civique, suivant une métaphore familiale, entre les « enfants » (comme le premier vers de la Marseillaise) et la Nation, destinataire du sacrifice, par le biais de la commune qui rend hommage.
La seule constante réside sans doute dans la conservation des noms des morts ; dans les grandes villes, on prend parfois le parti de ne pas les inscrire sur le monument, mais de les insérer dans une capsule au cœur de celui-ci. Les patronymes sont listés soit alphabétiquement, faisant ainsi ressortir les liens familiaux, soit chronologiquement, représentant alors le vécu de la guerre pour les familles. Dans un souci d’égalité, les grades apparaissent rarement ; néanmoins, les hiérarchies militaires et sociales prévalent parfois dans le classement des noms.
Le choix des noms à inscrire sur le monument revient au conseil municipal, comme toute la conception du monument. Fondamentalement sont inscrits sur le monument les noms de personnes (soldats et victimes civiles,[...]
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Écrit par
- Oonagh HAYES : enseignant-chercheur à l'université de Tübingen, Allemagne
Classification
Médias
Autres références
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COMMÉMORATION DE L'ARMISTICE DU 11 NOVEMBRE 1918
- Écrit par Encyclopædia Universalis
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Comme plusieurs autres pays, la France commémore le 11 novembre, date de la signature de l’armistice qui mit fin à la Première Guerre mondiale, en 1918. Ce jour-là, elle rend hommage aux soldats morts au combat pendant ce conflit. Observée pour la première fois de façon discrète en 1919, la commémoration...
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MAILLOL ARISTIDE (1861-1944)
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Les monuments aux morts qu'il exécuta pour sa région natale suscitèrent moins de controverse : pour Banyuls, il conçut trois reliefs disposés en triptyque (au centre, le Guerrier mourant dont il disait « c'est extraordinaire, on dirait tout à fait un antique » (Henri Frère) ; pour Elne et...