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MORALISTES

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  On désigne habituellement sous le terme « moralistes » un ensemble d'écrivains français qui ont pour premier point commun de traiter des « mœurs », plutôt que de morale au sens moderne. Définition bien trop générale pour circonscrire un groupe que pourtant les dictionnaires, les manuels, les anthologies s'entendent, depuis en gros la seconde moitié du xviiie siècle, à limiter à quelques grands noms : Pascal, La Rochefoucauld, La Bruyère... On l'élargit parfois, en amont dans le temps, à Montaigne ; souvent, en aval, à Vauvenargues et Chamfort, voire à Joubert ; aux marges, à toutes sortes d'auteurs qui ne sont pas tous mineurs, et que réunit surtout une appréciation de leur style, fragmentaire et brillant.

Questions de définition

À l'exception de Montaigne, dont il faudra reparler, cette famille des « moralistes français » écrit donc la langue classique et pratique dans tous les cas la forme brève : pensées, maximes, caractères, « réflexions ou remarques ». Mais, à ne retenir même que trois auteurs, qu'ont-ils réellement en commun – sinon la qualité exceptionnelle d'un style ? Pascal a voulu livrer une Apologie de la religion chrétienne, que sa mort a laissé inachevée : l'aspect fragmentaire des Pensées (1re édition en 1670) est par conséquent au moins pour partie involontaire, et l'intention clairement religieuse. La Rochefoucauld, grand seigneur désabusé par l'échec de la Fronde, semble se tenir au contraire pour l'essentiel sur le terrain de l'observation mondaine. Son écriture, constamment remaniée (cinq éditions des Maximes de 1664-1665 à 1678), polie et repolie, donne le modèle d'un genre auquel, après le romantisme, on reprochera son artifice (il est vrai qu'il a été gâté par quantité d'épigones de faible envergure). Enfin, on a souvent souligné que, par la critique psychologique qu'elles mettent en œuvre à travers une mise en lumière d'« une vie inconsciente des désirs » (P. Bénichou), les Maximes se livrent à une véritable dissolution du « moi » ; au lieu que l'œuvre de La Bruyère (neuf éditions de 1688 à 1696) privilégie, dans la tradition de Théophraste renouvelée par les Anglais (les Characters of Vertues and Vices de Joseph Hall, 1608), des types, des portraits, et par conséquent une certaine fixité que dit bien son titre.

Les Caractères, ou les Mœurs de ce siècle affichent nettement leur dimension d'observation sociale et historique : on parle parfois en ce sens des moralistes comme de précurseurs de la sociologie. Les Pensées et les Maximes nous rapprocheraient plutôt d'une anthropologie : au-delà de la description des mœurs, leur véritable objet n'est autre, en effet, que la nature humaine. Les moralistes ne prétendent pas l'aborder en docteurs, mais seulement la décrire. Description cependant si neuve, convainquant si bien que cet objet est insaisissable et multiple, qu'elle semble devoir empêcher toute prétention à une « science de l'âme » ; elle annonce à la rigueur une « psychologie des profondeurs », par l'insistance sur ce qui échappe à la conscience et à la maîtrise de soi. Le propos en tout cas n'est jamais prescriptif. Comme y insistent tous les critiques, c'est un contresens que de lire les moralistes en « moralisateurs ».

Une certaine unité thématique – et pas seulement de manière – réunirait donc leurs œuvres, justifiant l'expression, admise en Allemagne et en Italie, de « moralistique », comme on parle par exemple de sophistique (Moralistica francese de Renzo Giraldi, 1972). Louis Van Delft, qui a tenté « un essai de définition et de typologie » du Moraliste classique (1982), suggère un troisième critère : « d'attitude », qui pourrait bien être le plus important. Le moraliste « n'est le représentant[...]

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François de La Rochefoucauld - crédits : Charles Ciccione/ Gamma-Rapho/ Getty Images

François de La Rochefoucauld

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