MORÉAS JEAN PAPADIAMANTOPOULOS dit JEAN (1856-1910)
Poète d'expression française, ce fils d'un magistrat grec apprend tout jeune le français avec une gouvernante tandis qu'il suit des études secondaires à Athènes. Moréas vient à Bonn et à Heidelberg pour faire du droit et il mène en Allemagne une vie de bohème. Il voyage en Italie et en France où il fréquente l'avant-garde littéraire. Il s'installe définitivement en France à vingt-six ans et, plus tard, se fait naturaliser. À cette époque il est un véritable dandy à l'allure conquérante, qui fréquente le cabaret du Chat noir où se réunissent quelques poètes. Ils vont former le groupe des décadents, et c'est leur influence qui se manifeste dans son premier recueil de vers, Les Syrtes (1884), sous la forme d'un satanisme complaisant et d'une préciosité assez artificielle. Ces vers ne témoignent pas de la recherche d'une poésie personnelle, et les mètres impairs viennent simplement de Verlaine. Plus tard d'ailleurs, Moréas reniera ces premiers vers. Les Cantilènes (1886) offrent plus de fraîcheur et d'originalité : il reprend certaines formes de la poésie médiévale, faisant preuve d'une grande érudition qui, en général, ne compromet pas sa liberté. La même année, c'est lui qui rédige le manifeste du symbolisme, publié dans Le Figaro : pour la première fois apparaît le nom du mouvement autour duquel de nombreux poètes vont se réunir. Mais Jean Moréas se veut indépendant et, s'il admire Mallarmé, il veut être plus que son disciple ; sans doute, ayant fixé par son article une sorte de charte du symbolisme, il souhaiterait se poser en chef de l'école qui se forme à côté du décadentisme. Cependant son symbolisme ne sera jamais que superficiel et, s'il en adopte momentanément les principes, il ne cesse de s'en éloigner pour suivre son propre chemin. Dans Le Pèlerin passionné (1891-1893), essai de continuation des poètes du xvie siècle, il fait un usage incessant et excessif de l'hiatus et de l'apocope, il a recours à des tours archaïques qui rendent sa poésie obscure et hermétique et l'apparentent à un exercice de pure rhétorique. En 1895, il abandonne le vers libre et revient à l'alexandrin ou à l'octosyllabe. Les Sylves (1894-1896) retrouvent déjà une pureté et une beauté presque classique que les Stances (1899-1901) développeront de manière parfaite. On n'y trouve plus trace de l'érudition et de la virtuosité formelle des débuts ; en vérité, Moréas n'a plus de maître et ne subit plus d'influences. Sa mélancolie et sa tristesse grandissantes ont leur résonance propre, et il trouve pour les exprimer un accent juste et personnel. On lui doit encore un drame, Iphigénie en Tauride (1903), qui figure au répertoire du Théâtre-Français.
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Écrit par
- Antoine COMPAGNON : docteur ès lettres, professeur à l'université Columbia, États-Unis
Classification
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