MOREAU LOUIS GABRIEL, dit L'AÎNÉ (1740-1806) & JEAN-MICHEL, dit LE JEUNE (1741-1814)
Les deux frères Louis Gabriel et Jean-Michel Moreau, dits respectivement l'Aîné et le Jeune, fils d'un perruquier de la rue de Bussy, à Paris, ont eu deux carrières bien différentes et nous intéressent aujourd'hui à des titres très divers. L'un, le Jeune, est en quelque sorte le Cochin du règne de Louis XVI : dessinateur et graveur de fêtes, d'illustrations (telles les remarquables vignettes dont il illustra les œuvres de son ami Jean-Jacques Rousseau), de scènes parisiennes ; l'autre, avant tout paysagiste, se livre à des recherches et à des expériences qui le placent un peu en dehors de son temps et font de lui une espèce de précurseur de l'impressionnisme.
La carrière de Louis Gabriel Moreau, qui ne fut jamais académicien et n'exposa jamais dans les manifestations officielles, reste une aventure marginale. Héritier d'une tradition de paysage qui remonte à Panini, Moreau l'Aîné la renouvelle par une fraîcheur de sensations et une réponse immédiate aux suggestions de la nature toutes nouvelles. Le Louvre conserve ainsi une Vue du château de Vincennes prise des hauteurs de Montreuil, où quelques minuscules figures viennent à peine animer le paysage ; les bâtiments eux-mêmes sont tout juste suggérés. Tout tient dans une étude de ciel, de terrain et de feuillages, dans le jeu des lumières, de leurs reflets et des masses d'ombre. Le souvenir des paysagistes hollandais à la Ruysdael est sensible, avec pourtant quelque chose de plus menu, certes, mais aussi de plus vrai dans le sentiment. On peut citer encore de lui une Vue du coteau de Bellevue (Louvre) et un Paysage vallonné (Nancy).
À ce paysagiste solitaire s'oppose le brillant chroniqueur de la vie, des fêtes et des élégances parisiennes que fut Jean-Michel : regarder les gravures de Moreau le Jeune, c'est assister aux dernières pompes royales et aux élégances suprêmes de l'Ancien Régime. Ce dernier apprend très tôt avec son frère la nécessité de l'artifice et la technique du dessin. Il se met d'abord à l'école de Louis Joseph Le Lorrain qu'il suit à Saint-Pétersbourg. Il travaille beaucoup mais lentement et péniblement : ses camarades de l'atelier de Le Bas, qu'il fréquente en 1759, le surnomment le Bœuf. Homme lourd et besogneux qui accomplit pourtant une œuvre entièrement consacrée à la représentation de l'artifice, d'un brillant parfois clinquant où il présente des personnages légers et frivoles, il y a chez celui-ci un étrange décalage entre sa nature et son œuvre. Alors qu'il est déjà l'auteur de la Revue passée par Louis XV à la plaine des Sablons (Louvre), Louis XVI le nomme en 1770, après la mort de Cochin, dessinateur des « Menus Plaisirs ». Le sacre de Louis XVI, en 1775, le couronnement de Voltaire, en 1778, les fêtes données par la Ville de Paris à l'occasion de la naissance du Dauphin, en 1782, lui fournissent de grands sujets, où la minutie de l'observation s'allie à un indéniable sens de la majesté dans la composition architecturale. On peut citer encore l'Illumination du parc de Versailles à l'occasion du mariage du Dauphin et l'Assemblée des notables présidée par Louis XVI en 1787, conservés au musée de Versailles, ou la Fête donnée à Louveciennes le 2 septembre 1777. Son œuvre incarne le goût du xviiie siècle : ses génies ressemblent à des porcelaines de Saxe et ses femmes sont des grâces de Pompéi soumises à l'influence de François Boucher. Il annonce déjà le style Directoire : c'est frais, lumineux, parfois maniéré, comme si l'artiste voulait être à travers son œuvre ce qu'il n'avait pu être dans la vie. Mais où Moreau le Jeune triomphe, c'est dans les scènes de la vie quotidienne : les deux séries de planches gravées en 1777 et en 1783 pour le Monument[...]
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Écrit par
- Georges BRUNEL : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de lettres, conservateur des objets d'art des églises de la Ville de Paris
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Média
Autres références
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LIVRE
- Écrit par Jacques-Alexandre BRETON , Henri-Jean MARTIN et Jean TOULET
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MINIATURE
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